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VIGNE

Cartes de vigueur Fruition Sciences casse les prix

CHRISTELLE STEF - La vigne - n°288 - juillet 2016 - page 36

Cartographier la vigueur des vignes pour dix euros par hectare : la prestation proposée par Fruition Sciences séduit les viticulteurs. Ses concurrents réagissent.
UN ULM de la société L'Avion Jaune survole une parcelle de vigne.  © L'AVION JAUNE

UN ULM de la société L'Avion Jaune survole une parcelle de vigne. © L'AVION JAUNE

CARTE NDVI D'UNE PARCELLE du domaine de l'Ostal Cazes, dans l'Hérault, à la résolution de 50 cm. Les zones de forte vigueur apparaissent en bleu, celle de faible vigueur en rouge. « Ces cartes me permettent d'optimiser mon échantillonnage pendant des contrôles de maturité et de fractionner mes parcelles en lots homogènes lors des vendanges », indique Fabrice Darmaillacq, le directeur technique.

CARTE NDVI D'UNE PARCELLE du domaine de l'Ostal Cazes, dans l'Hérault, à la résolution de 50 cm. Les zones de forte vigueur apparaissent en bleu, celle de faible vigueur en rouge. « Ces cartes me permettent d'optimiser mon échantillonnage pendant des contrôles de maturité et de fractionner mes parcelles en lots homogènes lors des vendanges », indique Fabrice Darmaillacq, le directeur technique.

Le marché de la cartographie de la vigueur est en plein boom. « Il y a une vraie demande des viticulteurs pour cet outil », affirme Sébastien Payen, de Fruition Sciences. Dans ce contexte, l'entreprise montpelliéraine propose une offre défiant toute concurrence : la réalisation de cartes de vigueur au prix de 10 €/ha pour une résolution de 50 cm, de 25 € pour 25 cm et de 70 € pour 10 cm.

« 50 cm, c'est la résolution de base. Elle est idéale pour les vignobles non enherbés, de faible ou moyenne densité de plantation. Elle est destinée aux viticulteurs qui veulent avoir une gestion de leurs opérations par îlot. Les résolutions plus fines, de 25 cm et 10 cm, sont dédiées aux clients qui veulent gérer leur vignoble en intraparcellaire, voire au pied. À partir de 25 cm, on commence à visualiser les manquants et à différencier la vigne de l'enherbement. C'est encore plus vrai avec une résolution de 10 cm », explique Sébastien Payen.

Ces cartes sont élaborées à partir d'un indice de végétation, le NDVI, qui est lui-même obtenu grâce à des photographies aérien-nes du vignoble.

Des survols en ULM

Pour proposer de tels prix, Fruition Sciences a opté pour des survols en ULM. Et surtout, elle a automatisé toute la chaîne de réalisation des cartes. Tout passe par Internet. Les viticulteurs commandent en ligne un devis à la société. En retour, celle-ci leur envoie un lien vers le site où ils doivent tracer le contour des parcelles qu'ils veulent cartographier. Ils choisissent la date de survol de leurs vignes et la résolution des cartes. Fruition leur adresse alors le devis définitif. Une fois que le viticulteur a signé ce devis, le dossier est envoyé à L' Avion Jaune, société spécialisée dans l'imagerie aérienne, qui mutualise les demandes, réalise le survol le jour J, calcule l'indice NDVI et envoie les résultats à Fruition. Celle-ci n'a plus qu'à déposer les cartes dans l'interface de son client. « Elles sont généralement délivrées trois à huit jours après le survol », rapporte Sébastien Payen.

Fruition Sciences et L'Avion jaune interviennent dans 22 départements des régions Charentes, Bordelais, Sud-Ouest, Arc méditerranéen, Vallée du Rhône, Beaujolais et Bourgogne. Les dates des vols pour la viticulture sont calées à l'avance : 15 mai, 15 juin, 15 juillet, 15 août et 15 septembre.

Chaque année, les surfaces cartographiées augmentent : 2 000 ha en 2014, près de 3 000 ha en 2015 et 1 000 à 1 500 ha sont en précommande fin mai cette année.

Des cartes livrées brutes

« En proposant plusieurs dates et plusieurs résolutions, nous avons créé un outil opérationnel qui permet de gérer la fertilisation, la prise d'échantillon lors des contrôles de maturité et la segmentation parcellaire avant les vendanges », assure Sébastien Payen. En revanche, Fruition ne délivre que des cartes brutes au format .png, un format standard pour les images numériques. Aux viticulteurs de les interpréter eux-mêmes ou de faire appel à un consultant. Par ailleurs, ceux qui veulent intégrer leurs données dans un système d'information géographique doivent récupérer les images au format .tiff ou shapefiles.

La prestation de Fruition Sciences a séduit Yann Claustre, le régisseur du château Camplazens, à Armissan, dans l'Aude. Il gère une propriété de 45 ha dont un tiers des vignes servent à élaborer des vins en AOC La Clape, le reste en IGP Pays d'Oc. Depuis 2013, il fait cartographier chaque année l'ensemble du domaine à la résolution de 50 cm. « Dix ans plus tôt, j'avais déjà commencé à cartographier la vigueur en notant le développement végétatif de mes vignes. Je mettais une note dans un fichier Excel que je convertissais ensuite en couleur. C'était fastidieux mais indispensable pour raisonner l'irrigation, les contrôles de maturité et la sélection parcellaire. Puis Fruition, avec qui je travaillais déjà pour le pilotage de l'irrigation, s'est mis à proposer des cartographies de la vigueur avec le NDVI. Vu le coût et le gain de temps, je n'ai pas hésité. » Yann Claustre se sert souvent de ses cartes. Elles l'aident à piloter la fertilisation. Il les utilise pour définir les zones les plus vigoureuses, celles qu'il faut effeuiller manuellement en plus de l'effeuillage mécanique et où il faut suivre avec une attention particulière les développements du botrytis et des vers de la grappe.

Il s'en sert aussi pour faire de la vendange sélective. « Par exemple, dans les zones stressées, j'évite de faire des macérations trop longues. Je demande donc au tractoriste de les récolter à part. Pour ça, je balise les rangs concernés et je donne la carte au tractoriste. » Enfin, Yann Claustre utilise ses cartes de vigueur pour valider ses essais de fertilisation ou de lutte contre le stress hydrique avec des biostimulants.

Des concurrents aux aguets

Face à cet engouement, comment réagissent les concurrents ? À l'ICV, qui a développé le service Œnoview, on explique que les prestations proposées ne sont pas comparables. « Nous travaillons à partir d'images satellites et non de photos aériennes. Avec le satellite, la mesure est instantanée et on évite les biais quand on doit cartographier de grandes surfaces. En plus, avec notre partenaire TerraNis, nous travaillons avec l'indice GLCV (fraction de couvert vert) qui est plus robuste que le NDVI », explique Jérôme Hourdel, le responsable produit Œnoview à l'ICV. Le groupe réalise surtout tout un travail d'interprétation des cartes, service que Fruition Sciences ne fournit pas.

En réaction à l'initiative de son concurrent, l'ICV a aussi développé une offre « low cost » : Œnoview Map. Pour 15 €/ha, le viticulteur dispose d'une cartographie de la vigueur mesurée avec l'indice GLCV et d'une résolution de 1 m accompagnée en plus d'un accès à une application qui lui permet de lire la carte sur son smartphone. « C'est une nouveauté que nous proposons cette année pour les viticulteurs qui veulent juste une carte sans l'expertise technique. »

Chez Telespazio, qui opère principalement en Aquitaine, on mise également sur l'expertise technique. La première offre se situe en effet à 20 euros par hectare pour la résolution de 50 cm, soit le double du prix fixé par Fruition Sciences. Là encore, ce prix comprend un service. « Avec nos partenaires, on aide les viticulteurs et les caves coopératives à s'approprier les données pour voir comment elles peuvent les exploiter en fonction de leurs objectifs », insiste Lilian Valette, le directeur de Telespazio Bordeaux.

Un outil intégrateur de données

Une interface qui permet d'intégrer automatiquement les données de différents fournisseurs sur un seul et même serveur a été développée par Fruition Sciences. « À l'heure actuelle, les viticulteurs disposent de différentes données : météo, résultats des contrôles de maturité, cartes de vigueur... Mais chaque fournisseur a sa propre interface. Il est donc très compliqué pour le viticulteur de réunir toutes les données en un seul et même endroit et de les croiser. C'est la raison pour laquelle nous avons développé cet outil intégrateur de données », explique Sébastien Payen, de Fruition Sciences. Concrètement, la société, en accord avec les fournisseurs, charge automatiquement sur son serveur les données que le viticulteur veut exploiter. Ce dernier peut y ajouter celles issues de ses propres observations dans les vignes. À partir de là, il peut exploiter les données. Il peut, par exemple, réaliser un graphique sur lequel apparaissent la pluviométrie et les températures ainsi que l'évolution des stades phénologiques et le comparer à celui des années précédentes. Coût de cette prestation : environ 400 €/an pour dix parcelles.

Estimation rapide des rendements

Pour la première fois cette année, Fruition Sciences commer-cialise une prestation d'estimation rapide des rendements dans le Bordelais. Pour cela, l'entreprise s'appuie sur les cartes NDVI qui indiquent variabilité spatiale de la vigueur. À partir des cartes, elle définit les zones homogènes pour réaliser un plan de prélèvement d'échantillons représentatifs du vignoble. Fruition effectue ses premières mesures au stade nouaison ou petit pois. Puis, elle extrapole les résultats pour générer une première carte de rendement destinée à piloter les vendanges en vert. Après les vendanges en vert et avant la récolte (passage en option), elle fait de nouveaux prélèvements de grappes pour mettre la carte à jour. Coût de la prestation de base : 20 € par parcelle. Selon Fruition Sciences, cette méthode est au moins aussi précise que la méthode classique tout en étant cinq fois plus rapide. « Traditionnellement, le viticulteur réalise un échantillon par parcelle. Là, on en fait cinq fois moins », explique Sébastien Payen, de Fruition Sciences. L'ICV travaille également sur le sujet.

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