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Magazine - Terroir & tradition

Jacques Estingoy, découvreur de vignes rares

FLORENCE JACQUEMOUD - La vigne - n°289 - septembre 2016 - page 74

Ancien viticulteur et pépiniériste, Jacques Estingoy a déniché une quinzaine de lambrusques et deux souches de magdeleine noire des Charentes en parcourant la Gascogne.
 J.-B. LAFFITTE

J.-B. LAFFITTE

VIGNE SAUVAGE ou lambrusque grimpant dans les arbres.  J.-B. LAFFITTE

VIGNE SAUVAGE ou lambrusque grimpant dans les arbres. J.-B. LAFFITTE

RAISIN DE LA BIBLE  de la collection de Jacques Estingoy, appelé aussi raisin de la Palestine ou neheleschol. C'est le plus gros raisin du monde avec des grappes pouvant faire de 3  à 5 kg..  J.-B. LAFFITTE

RAISIN DE LA BIBLE de la collection de Jacques Estingoy, appelé aussi raisin de la Palestine ou neheleschol. C'est le plus gros raisin du monde avec des grappes pouvant faire de 3 à 5 kg.. J.-B. LAFFITTE

Fils et petit-fils de viticulteur, Jacques Estingoy avait tout juste 14 ans lorsqu'il a trouvé sa première liane couverte de feuilles de vigne, en bordure d'un ruisseau du Gers. C'était une lambrusque, une vigne sauvage. Mais personne ne l'a cru lorsqu'il a raconté sa trouvaille. Il n'a pas insisté et cette découverte lui est sortie de la tête.

Fidèle à la tradition familiale, il est devenu vigneron et pépiniériste, puis s'est fait connaître pour son engagement dans la lutte contre les maladies de la vigne. « En 1959, la flavescence dorée a détruit les vignes de mon père qui avait refusé de les traiter, se rappelle-t-il. Aujourd'hui, je milite pour qu'on ait le droit d'employer l'arsénite de soude contre l'esca qui fait des ravages, tout en prenant les précautions qui s'imposent. »

Né en 1948, à Lagardère (Gers), dans la maison qui jouxte la sienne, Jacques Estingoy est un « passionné de nature ». Il pratique toujours la randonnée à pied, mais a arrêté les grandes balades à vélo à travers la France. Partout où il passe, il observe les vignes.

Jacques est modeste.

« Je n'ai pas été à l'école, reconnaît-il. J'ai commencé à greffer chez un collègue de mon père. À l'époque, tous les vignerons greffaient des plants. La viticulture, c'est mon domaine. En revanche, je ne connais rien au vin. »

Avant de prendre sa retraite, en 2008, il cultivait 17 ha de colombard et d'ugni blanc, dont il livrait les raisins à une coopérative. Il possédait également 1 ha de vignes porte-greffes et 12 ares de vignes mères de greffon.

Débarrassé du quotidien, il s'intéresse à nouveau aux lambrusques de son adolescence. « C'était en 2010, à l'occasion des Journées du patrimoine végétal, se souvient-il. Je me suis dit que j'allais montrer ma découverte à des gens plus compétents que moi. Et j'ai donc pris contact avec Olivier Yobregat, de l'Institut français de la vigne (IFV). »

Depuis, au fil de ses promenades, Jacques a trouvé une quinzaine de pieds qu'il se garde bien de signaler pour les protéger. « Ces lambrusques ont survécu au phylloxera car leurs racines plongent dans l'eau, détaille-t-il. La plupart ont poussé au bord des ruisseaux. Récemment, une très belle liane qui avait poussé le long d'un arbre, a été rongée par un castor. En fait, cette taille naturelle l'a régénérée. Elle est repartie de plus belle. Un jour, les gènes des lambrusques seront peut-être utilisés pour accroître la résistance d'autres vignes. »

Jacques Estingoy observe aussi toutes les vieilles treilles autour de chez lui. Fin 2013, voyant que les spécialistes s'intéressaient à la magdeleine noire des Charentes, il leur a montré un pied qu'il pensait être une magdeleine rose. Des analyses génétiques ont confirmé qu'il s'agissait bien du cépage noir, ancêtre du merlot et du malbec. L'année suivante, alors qu'il « expliquait la vigne » aux visiteurs d'une foire aux vins locale, un spectateur lui a indiqué un plant dont son beau-père de 101 ans affirmait qu'il s'agissait de magdeleine. Vérification faite sur place, c'était bien le cas.

Ce deuxième pied de magdeleine est aujourd'hui le septième retrouvé en France. Pourquoi ce cépage a-t-il quasiment disparu ? Jacques Estingoy imagine qu'il était peut-être trop précoce pour la région. « Il reste encore de nombreuses treilles dans les fermes du Gers, le long des murs exposés au sud, ajoute-t-il. Souvent, des gens passent me voir pour me les signaler. J'espère trouver encore beaucoup de pieds de vignes rares. »

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