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VENDRE - Observatoire des marchés

Hong Kong Une chance pour tous

ALEXANDRE ABELLAN - La vigne - n°292 - décembre 2016 - page 60

Depuis qu'elle se pique de gastronomie, cette île chinoise offre de nouvelles perspectives aux producteurs français. Ses opérateurs sont à la recherche de vins originaux qu'ils valorisent bien. Même les petits producteurs y trouvent des opportunités.
LA FOULE SE PRESSE au stand des Everyday Bordeaux du Hong Kong Wine & Dine Festival, où un animateur vante les mérites des bordeaux abordables. © A. ABELLAN

LA FOULE SE PRESSE au stand des Everyday Bordeaux du Hong Kong Wine & Dine Festival, où un animateur vante les mérites des bordeaux abordables. © A. ABELLAN

Le Beaujolais est sur un petit nuage. « Nos expéditions vers Hong Kong explosent ! », se réjouit Anthony Collet, le directeur du marketing d'Inter Beaujolais. En 2015-2016, elles ont été multipliées par six en volume et par trois en valeur, pour atteindre 1 800 hl pour 812 000 euros. Ce marché reste donc modeste, mais le Beaujolais se flatte d'y être bien valorisé et de ne pas y être réduit à ses seuls vins nouveaux. « Ici, les consommateurs voient les beaujolais comme des vins de garde », s'enthousiasme Anthony Collet. Et aussi comme une alternative aux bourgognes devenus très chers.

Cette réussite éclair du beaujolais symbolise toutes les possibilités qu'offre l'île. « Hong Kong est un marché d'image où il faut être. On n'y fera jamais beaucoup de volume, mais c'est une porte d'entrée pour l'Asie », résume Mathilde Prot, la directrice de l'agence Sopexa Hong Kong. En 2008, le gouvernement de cette région chinoise au statut administratif spécial a fait tomber les taxes sur les importations de boissons alcoolisées et simplifié les formalités douanières. Depuis, son port est devenu une plate-forme de réexpédition des vins vers la Chine continentale. On estime ainsi qu'un tiers des importations de l'île repartent vers la République populaire de Chine.

Hong Kong continue de faire la part belle aux vins français. Ces derniers dominent l'offre avec 34 % des volumes et 60 % de la valeur des importations en 2015.

Comme en Chine, Bordeaux est leader. Et de très loin. Son vignoble fournit ainsi la moitié des vins français et représente les trois quarts de leur valeur. En défricheur de marché, Bordeaux affiche une belle avance : en dix ans, ses expéditions ont été multipliées par cinq en volume et quatorze en valeur.

En 2015, les AOC girondines ont exporté à destination de l'île 77 millions d'hectolitres pour 271 millions d'euros. Départ cave, le prix moyen des vins de Bordeaux a bondi de 38 %, atteignant 26 €/col. Ils s'agit donc avant tout de crus classés. L'interprofession veut corriger le tir. « Les crus classés ne représentent que 2 % de nos volumes, souligne Christophe Chateau, directeur de la communication du CIVB. Notre objectif est de faire découvrir les 98 % restants, notre coeur de gamme. »

Dans ce but, le CIVB a réservé un pavillon entier pour présenter les « Everyday Bordeaux » (bordeaux de tous les jours) au dernier Hong Kong Wine & Dine Festival, le salon grand public qui s'est tenu du 27 au 30 octobre dernier sur les quais du quartier central. Il y avait là 100 cuvées distribuées sur le marché local à des prix publics entre 80 et 450 dollars hongkongais (HDK), soit de 10 à 55 €. Des bouteilles mises en avant pour montrer qu'il existe des bordeaux abordables.

« Il y a un enjeu stratégique fort à se positionner sur le milieu de gamme », estime Mathilde Prot. Se situant de 200 à 500 HKD (de 25 à 60 €), ce segment est la cible de nombreux exportateurs. En témoigne la présence croissante des vins australiens et californiens au festival. Ces pays misent sur la démocratisation de la consommation hongkongaise.

Le marché est désormais porté par l'explosion de l'offre culinaire. Ville tentaculaire, Hong Kong cache dans chaque building d'inattendus restaurants gastronomiques et de surprenants bars sur les toits (ou rooftops). Nourrie par un niveau de vie confortable et des habitations exiguës qui empêchent les Hongkongais de recevoir chez eux, cette offre pléthorique exacerbe la demande pour des vins originaux et des vins de découverte.

« En Asie, le vin a captivé notre imagination, véhiculant une idée de luxe et d'art de vivre », témoigne Simon Tam, le responsable des vins pour l'Asie chez Christie's à Hong Kong. Constatant à quel point le développement de la consommation chinoise a été rapide, il ne voit pas comment le marché pourrait ralentir. À l'avenir, « Hong Kong va offrir à tous de bonnes perspectives commerciales », conclut-il.

Rude concurrence

Du 27 au 30 octobre, le huitième festival Wine & Dine a attiré 160 000 visiteurs (payants) sur les quais du centre de Hong Kong, soit une hausse de 10 % par rapport à l'an passé alors qu'il y avait 30 % de stands en plus. Pour la première fois, les Californiens, Australiens et Sud-Américains sont venus de manière organisée à cette manifestation destinée au grand public. De ce déséquilibre résulte un bilan contrasté. Premier exposant, avec 10 % des stands, le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux déplore une baisse de 20 % de la fréquentation de ses stands. « Nous allons réfléchir à de nouvelles orientations pour que Bordeaux reste au centre de la fête », annonce Christophe Chateau, le directeur de la communication du CIVB. Il est question de proposer de nouveau une offre gastronomique afin de revenir sur l'élément fondamental de ce festival : les accords mets et vins pour lesquels de nombreux jeunes Chinois se passionnent.

Savoureux morceaux choisis

« Quel est votre meilleur vin ? Lequel est le mieux noté ? Quel est le plus cher ? » Telles sont les questions le plus souvent posées par les Hongkongais aux exposants français. À côté de ces questions banales, d'autres traduisent plus crûment leur méconnaissance du vin. « On m'a demandé un rouge au goût de miel », se rappelle Aurélie Lascourrèges, de l'Union des côtes de Bordeaux, qui n'avait hélas ni grog, ni vin chaud sous la main. « Un Chinois m'a demandé pourquoi je ne proposais pas de vins à la pêche. Il ne voulait pas croire qu'il n'y avait que du raisin dans les vins de Bordeaux », rapporte Lionel Lateyron, du château Tour Calon (montagne saint-émilion). Sur le stand Saint-Émilion, on prend l'habitude des demandes de vins blancs. Et sur celui de la vallée du Rhône, des visiteurs réclament des vins blancs de syrah, rapporte Pierre-Louis Sauvaige, qui travaille chez l'importateur Fico international. « Et encore, on est à Hong Kong, qui connaît bien mieux les vins que la Chine continentale ! », relativise Philippe Dejean, du château Rabaud-Promis (sauternes).

AURÉLIA SOUCHAL-CAUMONT, DU DOMAINE DU SALUT, 16 HA, À CÉRONS, EN GIRONDE « Pour une petite exploitation, c'est possible ! »

Pour conquérir Hong Kong, il faut s'accrocher. Aurélia Souchal-Caumont, propriétaire avec son mari Frédéric (photo) du domaine du Salut, en sait quelque chose. En octobre 2015, elle a participé à son premier Hong Kong Wine & Dine Festival. Avant de partir, elle a envoyé des mails à plus de 200 opérateurs locaux et a décroché trois rendez-vous. Pour l'heure, un seul a débouché sur un contrat, en mai cette année. Cet opérateur distribue ses graves rouges et blancs secs dans un réseau de bars à vins, bistrots et cavistes. Si les négociations sont longues, « les formalités administratives sont d'une simplicité incroyable, témoigne la vigneronne. Pour exporter ses vins, tout est facile ! Il n'y a pas de taxes et les Douanes sont rapides. » Autre point aguichant : le marché valorise bien les produits. Aurélia Souchal-Caumont a obtenu un prix départ cave entre 4 et 6 €/col alors qu'elle vend ses bouteilles entre 8 et 12 € TTC en France. « Les opérateurs cherchent des produits différents pour valoriser leur business. C'est un marché ouvert qui donne sa chance aux petites propriétés qui ont une histoire à raconter. » En octobre dernier, la vigneronne est revenue au Hong Kong Wine & Dine Festival. Elle en a profité pour relancer le deuxième contact pris l'an passé, mais pas le troisième qui n'avait pas honoré son rendez-vous en 2015. Elle espère désormais lancer une exclusivité sur le marché. « Il faut s'accrocher. Parfois les négociations prennent tellement de temps que l'on se met à douter. Mais, au final, les choses se sont bien développées », ajoute-t-elle, ayant expédié 1 400 cols en un an.

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