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L'essor des box de vins

ÉMILIE-ANNE JODIER - La vigne - n°292 - décembre 2016 - page 62

Les offres de « box » de vins par abonnement font découvrir des vins de vignerons à un public curieux, pas forcément connaisseur. L'occasion de se faire connaître.
C'EST TOUJOURS UNE SURPRISE de découvrir les vins qui composent la box du mois. © C. FAIMALI

C'EST TOUJOURS UNE SURPRISE de découvrir les vins qui composent la box du mois. © C. FAIMALI

Elles expédient les bouteilles dans de simples boîtes en cartons dans toute la France. Les entreprises qui vendent des box de vins se sont fait une place sur le marché. Le principe : chaque mois, leurs abonnés reçoivent deux ou trois bouteilles choisies par le site, selon les offres. Celles-ci se monnaient de 19,90 € à 39,90 € par mois chez Le Petit Ballon, par exemple, ou 24,90 € et 65,90 € pour Trois fois vin. Chez Vinaddict, elles s'échelonnent entre 29,90 € et 69,90 € par mois.

D'autres sites fonctionnent sous la forme de club. C'est le cas de Chais d'oeuvre où, pour 149 € par an, les adhérents bénéficient de 100 euros d'achat de vin sur le site et ont accès aux rencontres et aux événements. Un système de box est également mis en place (49 € par mois pour deux bouteilles, 79 € pour trois). Une trentaine de marques de box se déclinent ainsi sur le marché, pour tous les goûts, pour les connaisseurs ou pour les amateurs de découvertes. Et pour certaines, l'aventure se décline également en boutique, comme Trois fois vins et Le Petit Ballon, à Paris et Vinaddict en Normandie.

Matthieu Lesne est à l'origine du Petit Ballon, en 2011. « Quand nous avons créé l'entreprise, on avait 30 ans et on ne savait pas distinguer un bourgogne d'un bordeaux. On s'est dit qu'il y avait quelque chose à faire. » Avant eux, Marie-Dominique Bradford, créatrice en 2010 de Trois fois vin, l'a constaté : « Les gens sont perdus dans les rayonnages. Nous leur servons de conseil de confiance ».

Gros plan sur les vignerons

Leur point commun semble être la volonté de mettre sous les projecteurs des vins de vignerons. « Nous proposons des vins qui ne sont pas dans les circuits de grande distribution, ça, c'est sûr, indique Julien Ferraris, cofondateur de Vinaddict. Nous privilégions les petits vignerons qui travaillent bien. » Marie-Dominique Bradford confirme : « Mon coeur de métier, c'est le sourcing de petits producteurs et je veux montrer à nos abonnés qu'on peut trouver de vrais bons vins à des prix abordables. »

Les petites productions ne sont d'ailleurs pas un obstacle. Si Le Petit Ballon affiche 40 000 abonnés et peut commander de 3 000 à 30 000 bouteilles, Chais d'oeuvre compte 1 000 membres et travaille d'encore plus petites séries. « On peut commander de 120 à 180 bouteilles à un vigneron, explique Manuel Peyrondet, sommelier et co-créateur de Chais d'oeuvre. D'un point de vue commercial, c'est plus simple et plus fluide que des commandes au compte-gouttes en CHR. »

Marie-Dominique Bradford commercialise, quant à elle, 15 000 box par an. « Selon les disponibilités des domaines, je peux commander de 300 bouteilles à deux ou trois palettes. »

Certains ne voient que des avantages à ce partenariat. « Quand nous nous sommes installés en 2009, nous avons cherché de nouveaux modes de commercialisation, se souvient Jérôme Grieco, du domaine La Biscarelle, dans les Côtes-du-Rhône. Marie-Dominique a été une des premières à répondre à mes sollicitations. Avec son fichier clients, elle peut toucher un public bien plus large qu'un simple caviste. »

« Pour les vignerons, c'est une excellente visibilité », avance Marie-Dominique Bradford. Tous les créateurs de box font, en outre, un effort de présentation des vins, des vignerons et des domaines, chacune dans son style (fiches, vidéos, livrets...).

« Nous sommes bien plus que de simples acheteurs de vin, assure Matthieu Lesne, du Petit Ballon, qui liste les avantages pour les vignerons de travailler avec lui. Nous passons des commandes fermes, sur un volume définitif et nous payons à la livraison. Peu de circuits de distribution peuvent se vanter de faire de même ! »

Une clientèle renouvelée

Les box permettent surtout de toucher une clientèle inespérée. « C'est vraiment quelque chose qui m'a marqué : la capacité de ces box à renouveler une clientèle que nous pensions vieillissante », s'enthousiasme Christian Chabirand. Vigneron en Vendée, il ne tarit pas d'éloge sur le concept. « En septembre, ces sites ont organisé une foire aux vins à Paris, avec leurs vignerons coups de coeur. J'y ai participé et j'ai été sidéré : nous n'y avons croisé que des jeunes, sans idée préconçue sur le vin, à l'opposé des clients des foires aux vins traditionnelles. »

Mieux encore, le partenariat entre créateurs de box et vignerons se noue dans la durée. « Nous travaillons sur le long terme et au maximum en direct avec les domaines », précise Matthieu Lesne. Le système des abonnements, qui consiste à faire découvrir des vins, pourrait faire craindre le « one shot » : une seule commande et le contrat s'arrête là. Dans les faits, les choses ne se passent pas ainsi. « Marie-Dominique est venue nous rencontrer sur un salon, raconte Nicolas Seille, du domaine Bouissel, à Fronton. Nous avons été séduits par l'idée de vendre en box. Depuis plusieurs années, nous plaçons ainsi une cuvée, voire deux par an. » Le vigneron apprécie également la qualité des relations : « Côté prix, nous avons une grille tarifaire pour les professionnels. Marie-Dominique s'y est tenue sans discuter. Avec elle, la négociation ne commence pas par : si je vous prends tant de bouteilles, combien vous me faites ? » Pour le vigneron, la formule est gagnante et il estime qu'elle vient directement concurrencer le secteur traditionnel. « Les cavistes ont du souci à se faire », glisse-t-il.

Traquer le vin à la source

Les marques de box dénichent les vins au gré des rencontres, mais aussi des salons. Certains vignerons envoient directement leurs échantillons. Pour d'autres, le bouche-à-oreille va jouer : « Il m'arrive assez souvent que des vignerons installés me glissent le nom d'un jeune confrère », s'amuse Manuel Peyrondet, sommelier à l'origine de Chais d'Œuvre. Pour Marie-Dominique Bradford, c'est indiscutable, il faut se rendre sur place. « J'ai quand même la responsabilité de sélectionner les vins pour mes clients, je suis donc très exigeante. » « Des pépites », c'est ce que cherchent toutes les entreprises qui fournissent les box. Pour créer du lien avec les abonnés, les idées ne manquent pas : rencontres, dégustations, foires aux vins. De bons arguments pour inciter les vignerons à travailler avec eux.

Le Point de vue de

ÉDOUARD PARINET, CHÂTEAU DU MOULIN À VENT, ROMANÈCHE-THORINS (SAÔNE-ET-LOIRE)

« Une chance pour les petites appellations »

« Nous avons travaillé avec les créateurs du Petit Ballon quasiment depuis leurs débuts, en 2011. Au domaine, nous produisons six cuvées différentes par an, vendues entre 15 et 30 euros prix public. Nous vendons nos vins sur le circuit traditionnel, à l'export mais aussi sur internet. La box est un moyen supplémentaire. Il ne faut pas voir cette commercialisation comme une vente isolée, mais bien comme un partenariat. Les dégustateurs réalisent une sélection très pointue des vins et insistent sur le côté découverte. C'est une grande chance pour les petites appellations et les petits domaines. Si cent de nos bouteilles sont distribuées, cela représente cent bouteilles qui finissent vraiment chez les gens. Paradoxalement, je trouve que c'est le service internet le plus humain qui soit, et le plus proche du client. Les bouteilles ne sont pas envoyées au hasard, Le Petit Ballon caractérise les profils des abonnés pour leur faire parvenir des vins qu'ils vont apprécier. C'est évident qu'à près de 40 euros par mois, cela représente un budget que tout le monde ne peut pas se permettre. Mais la clientèle est jeune et curieuse et ça, c'est important. »

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