La coopérative de Leucate, dans l'Aude, et huit de ses adhérents font partie du même groupement d'employeurs. La cave comme les vignerons y trouvent leur compte. « Depuis six ans, je fais appel à Vincent, un salarié du groupement. Il vient tailler chez moi trois mois. Le reste de l'année, il travaille à la coopérative », explique Christophe Jaulent, viticulteur sur 25 ha et trésorier du groupement.
La première année, il a formé Vincent à la taille. « Aujourd'hui, il connaît bien l'exploitation, il est autonome », apprécie-t-il. Le groupement lui facture les heures travaillées au tarif de 13,50 €/h. « Cela me revient un peu plus cher qu'avec des saisonniers. Mais je n'ai pas à m'occuper des formalités d'embauche ni de la paye. »
Auparavant, il devait recruter chaque année un nouveau saisonnier, le former et l'encadrer. « Certains ne restaient que deux ou trois semaines. D'autres travaillaient très bien, et je regrettais de ne pas pouvoir leur proposer un contrat plus long. Au sein du groupement, nos salariés bénéficient d'un CDI qui leur permet de se projeter dans l'avenir. C'est positif ! »
C'est la coopérative qui a pris l'initiative de créer ce groupement en 2010. Elle ne voulait plus avoir à recruter et à former chaque année des saisonniers pour les vendanges. « Nos adhérents avaient besoin de main-d'oeuvre à d'autres périodes. En jouant sur cette complémentarité, notre groupement a pu recruter des personnes en CDI », explique Lilian Copovi, président du groupement et président délégué des Vignobles Cap Leucate. Au chai, ce sont désormais les mêmes salariés qui interviennent tous les ans. « Ils connaissent bien nos équipements, c'est sécurisant. »
Le groupement Cézelly compte neuf adhérents, dont la cave coopérative. Il emploie huit salariés. « Nous les avons recrutés localement par le bouche-à-oreille. Certains membres nous ont proposé un de leurs saisonniers. D'autres sont venus pour les vendanges et ont ensuite été intéressés par la possibilité de travailler dans les vignes. »
La palette de travaux à réaliser chez les adhérents permet de remplir le planning de chaque salarié. « Ainsi, Karine travaille l'été dans les points de vente de la coop. Durant l'automne et l'hiver, elle prend en charge le travail administratif d'une exploitation, où elle enchaîne au printemps avec les travaux en vert », détaille Lilian Copovi.
La succession des travaux à accomplir dans l'année est calée avant l'embauche de chaque nouveau salarié. Mais des ajustements sont possibles. « En 2017 et 2018, je prévois de planter. Au moment où nous ferons le planning annuel, je demanderai à avoir un salarié un mois de plus pour faire face à ce surcroît de travail », précise Christophe Jaulent.
Le groupement offre aussi un cadre qui facilite l'installation progressive de jeunes dont les parents ne sont pas viticulteurs. « Nous prenons le temps de discuter avec chaque salarié de ses projets. S'il a envie de s'installer, nous lui signalons les vignes disponibles lorsque nous en repérons. Il peut ainsi commencer à acquérir quelques hectares tout en restant dans le groupement », explique le président du groupement.
Sébastien Puig fait partie des salariés qui songent à se lancer. « Depuis janvier, j'effectue tous les travaux sur 15 ha de vignes. Le foncier appartient au fonds Labéliance Invest, qui le loue à une SCEA créée par la coopérative pour les exploiter. D'ici sept ans, j'aurai la possibilité de les racheter », précise-t-il.
En attendant, le jeune vigneron acquiert de l'expérience. « Après avoir travaillé en intérim, j'ai suivi une formation de tractoriste en viticulture et, depuis, je faisais des saisons », raconte-t-il. En 2015, la coopérative l'engage pour trois mois. Après ce premier contrat, le groupement lui propose un CDI. « Avec cet emploi, j'ai pu me poser », note-t-il. Le métier de viticulteur lui plaît. Il ignore encore s'il restera salarié ou deviendra chef d'exploitation. « Il faut étudier de près les investissements nécessaires à la reprise des vignes et le revenu que je pourrais en tirer. Mais j'apprécie que le groupement et la coopérative m'aient donné ma chance ! »
À l'écoute des adhérents
Les adhérents des Vignobles Cap Leucate peuvent faire appel gratuitement à une cellule de coaching. Celle-ci est formée de Lilian Copovi, président délégué, et d'Aurélie Filaquier, responsable du vignoble. Au cours d'un premier entretien d'une à deux heures, ils prennent le temps d'écouter le vigneron et de l'aider à faire le point sur sa situation. Puis ils cherchent ensemble des solutions. « On peut faire appel à nous aussi bien pour un problème technique ou économique que pour un projet d'installation ou de développement. Les informations restent confidentielles. Et nous revoyons plusieurs fois la personne si c'est nécessaire », précise Aurélie Filaquier. « En fonction de sa situation, nous pouvons l'orienter vers un centre de gestion ou un service juridique. Ou encore l'accompagner chez son banquier pour lui apporter la garantie de la cave. Celle-ci détient des stocks de vins pour le compte de chaque adhérent, et elle est adossée au groupe Vinadeis », ajoute Lilian Copovi. En 2015, la cellule de coaching a ainsi accompagné cinq adhérents. En 2016, le contexte économique s'améliorant, ce sont des candidats à l'installation qui ont bénéficié de conseils.
Un travail d'animation foncière
Les Vignobles Cap Leucate vinifient 60 000 hl pour 150 adhérents cultivant 1 200 ha. « Notre but est de préserver cette surface, voire de la développer », affirme Lilian Copovi, président délégué. La coopérative interroge tous les ans ses adhérents pour recenser les offres et les demandes de vignes. Elle suit aussi de près les petites annonces et utilise son réseau pour s'informer sur les parcelles qui vont se libérer. « Nous mettons ensuite en relation ceux qui cherchent des vignes et ceux qui en cèdent ! » Ces derniers mois, deux caves particulières qui arrêtaient leur activité ont ainsi cédé des vignes à des membres souhaitant s'agrandir. La coopérative aide aussi ceux qui s'installent. C'est le cas d'Olivier Peguillou. « J'ai travaillé comme saisonnier chez un adhérent et lui ai fait part de mon souhait de devenir viticulteur. Il m'a conseillé d'en parler à la coopérative », raconte Olivier. C'était la bonne piste ! « Nous lui avons communiqué une information de la Safer sur une vente de 9 ha. Et nous l'avons mis en contact avec deux adhérents qui cherchaient un fermier », détaille Lilian. En 2017, Olivier devrait ainsi s'installer sur 26 ha.