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VIGNE

Co-farming À l'assaut du Web

LUCIE MARNÉ - La vigne - n°296 - avril 2017 - page 36

Depuis deux ans, des sites d'entraide agricole fleurissent sur le Net. Location de matériel, échanges de parcelles, conseil en ligne... Tour d'horizon du « co-farming ».
 © C. FAIMALI/GFA

© C. FAIMALI/GFA

Partager des outils, des machines, un savoir-faire... l'entraide dans le monde agricole est monnaie courante. Mais en plein boum numérique, elle prend une nouvelle forme. Depuis deux ans, on voit apparaître des sites internet de « co-farming », un terme anglais pour désigner l'entraide agricole ou l'agriculture collaborative. Et bien souvent, ces sites sont fondés par des agriculteurs ou des enfants d'agriculteurs.

« Le co-farming facilite le partage dans un contexte qui est toujours plus exigeant envers les agriculteurs et dans un système toujours plus compétitif. La collaboration est un moyen de faire face à ces évolutions », annonce Jean-Marie Séronie, agroéconomiste. Ainsi, on peut louer son matériel à des collègues grâce à WeFarmUp ou VotreMachine.com. Il est aussi possible d'échanger des parcelles avec des viticulteurs sur EchangeParcelle.fr, partager une livraison avec LaCharrette.org ou encore proposer ses connaissances techniques sur AgriFind, moyennant finance.

Le but de ces sites n'est pas seulement de faire des économies. « Le co-farming peut permettre de développer des projets, d'échanger des connaissances ou de réduire les risques de son exploitation en s'associant avec une autre », souligne Jean-Marie Séronie.

Et si vous craignez d'être dupé par certains de vos confrères, pas de panique. Ces plateformes fonctionnent exactement comme BlaBlaCar ou Uber : les agriculteurs qui offrent des services sont notés par leurs collègues pour informer les autres utilisateurs de leur sérieux.

Faut-il craindre une « ubérisation » de l'agriculture ? François Purseigle, économiste du monde rural, le réfute : « Il s'agit bien là d'entraide et de partage des compétences. L'objectif n'est pas de se faire de l'argent sur le dos de ses collègues. » Certes, ces plateformes internet dédiées à l'agriculture sont encore naissantes et manquent de participants. Mais à voir le succès d'Uber, AirBnB ou BlaBlaCar, il y a fort à parier qu'elles façonneront la viticulture de demain.

Louez votre matériel

Dédiés à la location de matériel agricole en ligne, WeFarmUp et VotreMachine.com font partie des pionniers du co-farming en France. Après avoir développé leur réseau, ces sites ont noué des partenariats avec des assurances pour prendre en charge le matériel dès sa réception par le locataire. Par ailleurs, VotreMachine.com propose désormais aux agriculteurs de louer leur hangar pour stocker du matériel en collaboration avec JeStocke.com. Lancés fin 2015, VotreMachine.com et WeFarmUp comptent respectivement déjà plus de 2 300 et 3 800 membres.

Partagez vos livraisons

 © LACHARRETTE.ORG

© LACHARRETTE.ORG

LaCharrette.org propose le covoiturage de vos caisses de vins.

Deux jeunes Savoyardes, Marie et Laura Giacherio, ont lancé début janvier un site dédié au covoiturage des livraisons de produits agricoles : LaCharrette.org. Celui-ci propose aux agriculteurs de partager leurs moyens de livraison. « LaCharrette.org fonctionne comme BlaBlaCar. Vous inscrivez un trajet et les produits que vous souhaitez transporter. Le site vous met alors en relation avec d'autres producteurs qui proposent ou recherchent le même trajet », explique Marie Giacherio (photo, à gauche). Le site n'oblige pas les utilisateurs à payer leur part du trajet mais, en pratique, « les agriculteurs partagent les frais de transport ». Les producteurs peuvent également choisir de passer par un transporteur professionnel et partager un chargement pour réduire les frais. LaCharrette.org ne compte pour le moment qu'une vingtaine d'adhérents, principalement de Rhône-Alpes. Mais les deux soeurs espèrent enrichir rapidement le réseau en vue de développer des services de transport payants pour les longs trajets et proposer des assurances pour les produits à livrer.

Troquez vos parcelles

 © ECHANGEPARCELLE.FR

© ECHANGEPARCELLE.FR

EchangeParcelle.fr vous aide à concentrer ou à disperser votre vignoble pour réduire vos risques climatiques.

Mickaël Jacquemin (à droite) est agriculteur dans la Marne. Lorsqu'il reprend l'exploitation familiale, une partie de son foncier se situe encore loin du siège du domaine. Lui vient alors l'idée de concevoir un site web pour faciliter l'échange de parcelles entre agriculteurs. Avec Vincent Barbier (à gauche), développeur informatique, ils conçoivent un algorithme mettant en relation les agriculteurs souhaitant échanger des parcelles. C'est ainsi que naît en 2015 EchangeParcelle.fr. Pour effectuer une recherche sur le site, rien de plus simple : il suffit de se créer un compte, d'identifier sur une carte les parcelles que l'on souhaite échanger, leur surface et leur nature. Lorsque le site trouve une parcelle équivalente à celle d'un candidat à l'échange, une alerte SMS, ou un mail, lui est envoyée pour lui transmettre les coordonnées du ou des agriculteurs concernés. Ils peuvent alors entrer en relation. L'ensemble du service est gratuit. Fin février, le site comptabilisait déjà 250 échanges sur les 9 000 ha inscrits. « Pour un viticulteur, le site a un double intérêt : soit l'aider à regrouper son parcellaire autour de son exploitation. Soit, au contraire, lui permettre de constituer plusieurs îlots pour réduire les risques climatiques », explique Mickaël Jacquemin. Mais pour ce viticulteur, présent lors d'une conférence sur le co-farming au Sima, les échanges de parcelles en viticulture s'opéreront plus facilement lors d'un arrachage. « Sinon, il faudra bien prendre soin d'échanger des parcelles de même nature. Car j'aurai du mal à échanger une parcelle de 5 ans contre une de 20 ans. Le rendement et le travail à fournir ne sont pas les mêmes dans les deux cas. »

Monnayez votre savoir

 © AGRIFIND

© AGRIFIND

AgriFind.fr vous permet de vendre vos conseils en agriculture.

Avec AgriFind, entrez dans l'aire de l'intelligence collective. Lancé le 26 février dernier, ce site propose de partager ses connaissances techniques moyennant finance. Vous êtes le pro du semis direct des couverts ? Du réglage des pulvés ? Vous pouvez proposer tous types de conseils. « À ce jour, AgriFind compte une vingtaine d'offres », se réjouit Sébastien Roumegous, cofondateur du site avec Gilles Cavalli. Sébastien Cauzit, viticulteur dans le Lot, s'est inscrit dès le lancement : « J'ai fait des études en informatique et management. Je propose à mes collègues un logiciel de gestion libre de droit que j'ai mis au point et que je peux moduler selon les besoins. Je demande 55 €/h pour un premier entretien téléphonique qui évalue les besoins. »

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