Ce mardi 21 mars au Cellier des Chartreux, à Pujaut, dans le Gard, l'équipe dédiée à la chaîne d'embouteillage s'active. Dès 8 h 30, les deux techniciens mettent l'installation en route. Au programme : la mise en bouteille d'une cuve de 100 hl de la cuvée Saint-Anthelme blanc, marque phare en côtes-du-rhône de la coopérative gardoise.
Mais cette journée n'est pas tout à fait comme les autres. Installées à une petite table juste devant la tireuse GAI, deux personnes extérieures au service se préparent, elles aussi, à passer à l'action. Jean-Baptiste Diéval et Nelly Champeau sont là pour jauger la toute nouvelle ligne d'embouteillage de la cave. Employés au service oenologie de Vinventions, ils viennent avant tout pour vérifier les performances de l'installation par rapport à l'oxygène et au gaz carbonique dissous dans les vins. Le Cellier des Chartreux les a fait venir en vue d'obtenir le Master of Bottling, un nouveau certificat que Vinventions délivre aux caves qui en font la demande après un audit approfondi.
Cet audit démarre par une vérification de l'état du matériel pour détecter d'éventuels problèmes microbiologiques. « Tout est OK, le matériel est neuf et le personnel bien formé », assure Jean-Baptiste Diéval. L'équipe peut se concentrer sur les analyses d'O2 et de CO2 qu'elle réalise avec les deux appareils de mesure développés par Vinventions : NomaSense O2 et NomaSense CO2.
Les deux contrôleurs commencent par mesurer la teneur en O2 dissous dans la cuve de tirage. « On est à 0,1 mg/l. On part donc d'un très faible niveau. C'est positif », souligne Jean-Baptiste Diéval. Puis il se dirige vers la tireuse. Là, avec sa collègue, il va effectuer des prélèvements à trois stades de la mise en bouteille : au début, au milieu et à la fin du tirage.
« On prélève les deux premières bouteilles tirées-bouchées, puis on en reprend deux après deux tours de tireuse, puis deux autres après quatre tours et ainsi de suite jusqu'à obtenir dix échantillons. » Ces bouteilles vont être analysées sous toutes les coutures : teneur en O2 et CO2 dissous, hauteur d'enfoncement du bouchon et du dégarni, pression dans l'espace de tête, température du vin.
En milieu de mise, les auditeurs prélèvent deux fois 12 bouteilles d'affilée. Aux analyses précédentes s'ajoute une nouvelle mesure : la teneur en oxygène dans l'espace de tête. « Nous ne réalisons cette mesure qu'à ce niveau car, contrairement à l'oxygène dissous dans le vin, celle-ci est quasi constante durant le tirage », précise Jean-Baptiste Dieval.
Toutes ces mesures révèlent que le vin s'oxygène très peu entre la cuve et la bouteille. « On gagne en moyenne 0,3 mg/l d'oxygène durant le process et on relève 0,7 mg/l d'O2 dans l'espace de tête. On peut difficilement faire moins. En outre, dans l'espace de tête, il y a très peu d'écart d'une bouteille à l'autre », constate l'auditeur.
La perte en CO2 se situe, elle aussi, à un niveau très acceptable : 100 mg/l. On passe de 1 150 mg/l dans la cuve à 1 000-1 050 dans la bouteille. Jean-Baptiste Diéval note en revanche la faible hauteur de dégarni : « Nous n'avons que 9 mm. Idéalement, il faudrait 15 à 17 mm. C'est embêtant pour les vins qui peuvent être soumis à des températures élevées, à l'export, par exemple. La dilatation du vin peut faire remonter le bouchon. »
L'auditeur vérifie aussi l'efficacité du triple inertage à l'azote réalisé juste avant le tirage. Pour limiter la consommation d'eau, la coopérative a fait le choix de nettoyer les bouteilles avec un jet d'azote. Une deuxième injection d'azote a lieu juste avant le remplissage et une troisième juste avant le bouchage. Deux bouteilles vides sont prélevées, l'une après le premier inertage, l'autre après le deuxième. « Il y a entre 1,7 et 2 % d'oxygène dans ces bouteilles. C'est un niveau faible ; l'inertage est efficace. Par contre, il n'y a pas d'amélioration avec la deuxième injection d'azote. On pourrait donc s'en passer », suggère l'expert.
Vers 11 heures, un problème d'étiquetage contraint l'équipe à arrêter la tireuse pendant environ un quart d'heure. Dès la remise en route de la machine, les auditeurs refont un prélèvement sur deux bouteilles pour vérifier l'impact de cet incident sur l'O2 dissous. Résultat : le vin est toujours aussi peu oxygéné. « Sur cette chaîne, le vin reste dans le cuvon inerté au-dessus de la tireuse. Il s'est même désoxygéné, puisqu'on est tombé à 0,2 mg/l d'O2 dissous », constate Jean-Baptiste Diéval.
Peu avant midi, un nouvel incident se produit au niveau de la mise en carton. Cette fois, le service après-vente va devoir intervenir. La fin de la mise en bouteille est décalée au lendemain. Les aléas d'une nouvelle installation. Les auditeurs reviendront lors d'une prochaine mise pour contrôler les huit bouteilles qu'ils doivent prélever en fin de tirage : deux dès que la cuve se vide, deux quand les tuyaux se vident et, enfin, deux quand le filtre se vide, ainsi que les deux toutes dernières bouteilles. Mais la cave sait déjà qu'elle doit laisser un peu plus de dégarni et abaisser la pression dans l'espace de tête pour parfaire ses mises.
FRÉDÉRIC SABLAYROLLES, DIRECTEUR DE PRODUCTION DU CELLIER DES CHARTREUX (GARD) « Il nous reste à augmenter le vide au bouchage »
« Cet audit visait à valider la performance de notre nouvelle ligne d'embouteillage. Nous produisons 60 % de blancs et rosés. Nous voulons limiter au maximum la dissolution d'oxygène lors du tirage. L'audit valide ce point : nous ne gagnons que 0,3 mg/l d'O2 dissous lors du tirage, ce qui est très faible. Notre unité de tirage est donc performante de ce point de vue. En comptant l'oxygène présent dans l'espace de tête, on arrive à 1,1 mg d'oxygène par litre de vin en bouteille. C'est excellent puisque l'auditeur recommande moins de 2 mg/l pour les vins conventionnels. L'audit a montré que nous pourrions encore améliorer cette performance en augmentant le vide au bouchage, ce qui diminuerait l'oxygène présent dans l'espace de tête. Nous avons une surpression de 0,1 bar après bouchage. En la baissant entre - 0,1 et- 0,2, on réduirait encore de 15 à 20 % l'oxygène présent. C'est un point que nous allons tester. »
Master of Bottling Un certificat lancé par Vinventions
Le Master of Bottling est un nouveau service que vient de lancer WineQuality Solutions, du groupe Vinventions. Le but : mettre en place les meilleures pratiques de conditionnement après un cycle d'audits et de formation du personnel. Le service se déroule en trois étapes :
- un état des lieux pour définir les améliorations nécessaires ;
- un second contrôle après la mise en place des corrections et la formation du personnel ;
- enfin, l'attribution du certificat attestant du niveau atteint.
L'audit initial dure une journée durant laquelle la chaîne d'embouteillage fonctionne normalement, l'équipe de WineQuality Solutions s'occupant de faire les prélèvements et d'effectuer les contrôles. Coût de l'audit complet : 5 000 €.