Acheter du vin sur Internet ? De plus en plus de Français sautent le pas ! « Les ventes de vins en ligne sont devenues significatives », indique le Comité national des interprofessions viticoles (Cniv) qui a confié une étude aux cabinets Wine Intelligence et XJ Consulting pour connaître leur poids. L'infographie ci-contre présente les principaux résultats de leur étude qui prend en compte tous les sites de vente de vin, excepté ceux des vignerons, coopératives et négociants. Selon ces experts, les sites de vente en ligne ont engrangé 430 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2014. C'est un beau pactole. Mais ce chiffre est bien inférieur aux estimations faites jusqu'ici et c'est encore très peu par rapport aux 5,4 milliards d'euros qu'ont rapportés les ventes de vin en grandes surfaces la même année.
Fort de ces nouvelles données, La Vigne a cherché à comprendre le fonctionnement de ces sites et leur politique d'achat auprès des producteurs. Une politique guidée par deux constats : le secteur a besoin d'alimenter sa croissance et ses acheteurs dépensent beaucoup. « Le panier moyen de la vente en ligne est deux fois plus élevé que dans nos magasins, révèle Lionel Manteau, directeur du pôle clients chez Nicolas. En outre, il s'agit à 60 % de nouveaux clients. »
Une offre large et attractive
Pour les séduire, l'e-commerce s'efforce de leur proposer l'offre la plus large possible. C'est la politique de Millésima, le premier à s'être lancé dans la vente en ligne en 1997, avec des grands crus bordelais. Depuis, le site a élargi sa gamme à tous les vignobles français au point de proposer 12 000 références et d'être, sans doute, le mieux achalandé. « Nous contactons nous-mêmes les vignerons avec une idée précise de ce que l'on souhaite, explique Viviana Vecchione Moine, responsable des relations presse. Nous recherchons de belles références, plutôt haut de gamme. » La clientèle du site est aisée : elle dépense en moyenne 1 100 euros par commande.
« Nos clients appartiennent aux catégories socio-professionnelles supérieures et sont amateurs de vin, explique Bernard Le Marois, directeur général de Wine and Co, un autre poids lourd parmi les cavistes en ligne. Ils consacrent 4 000 euros par an en moyenne à l'achat de vin sur notre site. Ils cherchent les belles étiquettes, mais veulent aussi des surprises pour épater leurs amis. Dans chaque région, nous sommes en quête de vignerons susceptibles de répondre à cette attente. »
Même chose chez Vinatis qui a bâti une partie de son succès en faisant découvrir de nouveaux vignerons à ses clients. « Notre équipe de sept acheteurs sélectionne les vins auprès des vignerons en fonction des besoins identifiés pour chaque région : qualité, prix, volume disponible, récompenses..., expose Jennifer Cataldo. Ils nous adressent ensuite leurs échantillons qui sont dégustés à l'aveugle par notre comité de dégustation. Seuls les vins retenus sont référencés sur notre site. »
En quête de producteurs
Filiale de Casino, Cdiscount présente une offre plus accessible. « Notre équipe de trois acheteurs couvre tous les vignobles français, annonce Dominique Rey-Coyrehourcq, responsable du pôle vin. Elle s'intéresse aux valeurs montantes et cherche des petites pépites comme des côtes-du-rhône ou des vins du Languedoc-Roussillon entre 3 et 4 euros la bouteille. » Ces acheteurs les dénichent avant tout chez les négociants et les grossistes. « Les vignerons peuvent aussi nous contacter directement, précise Dominique Rey-Coyrehourcq. Nous avons ainsi mis en place un partenariat avec deux viticulteurs champenois qui élaborent 250 000 cols pour nous. »
Auchan aussi cherche des fournisseurs. En 2011, l'enseigne a ouvert une plateforme de vente de vin en ligne sur auchan.fr. Les internautes y retrouvent une partie de l'offre présente dans les magasins, soit entre 1 000 et 1 200 références. Et l'enseigne s'apprête à lancer une sélection plus confidentielle dans les prochains mois. L'opération sera chapeautée par Xavier Leclerc, en charge de son sourcing. « Nous allons mettre en place une offre de type cavistes avec les vignerons qui souhaiteront participer, indique-t-il. Elle devrait se composer d'un peu plus d'une centaine de références. » Avis aux intéressés !
Globalement, les quantités qu'un vigneron peut mettre à la disposition de ces opérateurs importent peu. « On peut très bien travailler avec un lot de soixante bouteilles, expose Bernard Le Marois. Nos clients connaissent en temps réel les quantités disponibles de chaque cuvée que nous leur proposons. » Idem chez Vente-privee où huit personnes sillonnent le territoire afin de rencontrer les producteurs de vin. « Nous organisons des ventes événementielles qui durent cinq à sept jours, indique Xavier Court, associé cofondateur de Vente-privee. Cela nous permet de référencer et de faire connaître des petits vignerons proposant des quantités modestes. »
Des prix et conditions alléchants
À condition qu'ils consentent des efforts tarifaires. Les produits vendus sur le site sont en effet assortis de réductions alléchantes. « Nos fournisseurs nous accordent des tarifs préférentiels car nous leur apportons une formidable exposition, confie Xavier Court. Nous comptabilisons en effet 4,5 millions de visiteurs uniques par jour. »
En 2015, Vente-privee a vendu 425 000 bouteilles d'une seule et même référence en un jour ! Son record. Chez cet opérateur, les producteurs voient arriver la commande une fois la vente terminée. Ailleurs, les achats sont généralement fermes.
Aujourd'hui, les acteurs de l'e-commerce s'engagent dans une nouvelle bataille : écourter au maximum les délais de livraison. Bientôt, les clients de Cdiscount qui passeront leur commande avant 14 heures seront livrés dès le lendemain gratuitement en échange d'une cotisation annuelle de 19,90 €. Lavinia et Nicolas, qui possèdent des sites de vente en ligne où l'on retrouve les vins présents dans leurs magasins, vont proposer une prestation similaire.
PAUL AEGERTER, VIGNERON ET NÉGOCIANT À BEAUNE, EN CÔTE-D'OR « L'e-commerce représente 8 % de nos ventes »
« En 2016, nous avons vendu 55 000 bouteilles via l'e-commerce, soit 8 % de nos ventes en volume. Il s'agit d'un circuit complémentaire à nos autres débouchés en France, soit la vente directe dans nos trois boutiques et le CHR. Nous sommes présents sur le site Vinatis depuis 2004. La première année nous avons vendu 110 bouteilles, et l'an passé, 38 000 bouteilles ! Nous avons choisi de travailler avec eux car ils pratiquent des prix cohérents par rapport à ceux de nos cavistes. Une fois par an, nous participons à une vente événementielle de Vente-privee avec une cuvée de Bourgogne Hautes-Côtes de Nuits que nous élaborons spécifiquement pour eux. Vente-privee la propose à 11,90 €/col au lieu de 14,90 € pour un vin équivalent dans nos magasins. Avec Internet, la vente de vin évolue, nous avons choisi d'accompagner cette mutation. »
Sur le Net, des pros du vin avant tout
En 2016, le Cniv a commandé une étude à Wine Intelligence et XJ Consulting sur les entreprises et le poids de l'e-commerce du vin en France, hors site de vente en ligne des viticulteurs, coopératives et négociants. Ces deux cabinets ont dénombré 647 entreprises qui ont réalisé 430 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2014. Ils les regroupent en cinq catégories, à commencer par les cavistes en ligne (pure-players) qui réalisent le plus gros chiffre d'affaires, suivis des sites de vente privée dont la croissance s'avère la plus dynamique. 64 % des entreprises vendant des vins en ligne sont spécialisées dans le commerce des vins et des alcools. Ce sont les cavistes en ligne et les cavistes mixtes vendant en ligne et en boutique. 24 % des acteurs sont des commerces alimentaires et des grandes surfaces. 9 % sont des sites de vente privée ou de vente par abonnement. Cette dernière catégorie a le vent en poupe. Vente-privee, le premier de ces sites, s'est lancé dans le vin en 2007. L'an passé, il a réalisé 60 millions d'euros de chiffre d'affaires (+ 20 %) et vendu cinq millions de cols.