Partout le même constat. Le développement de la végétation est « explosif ». « Ces deux dernières semaines, les vignes ont pris sept à huit feuilles. Je n'avais jamais vu ça », observe François Dal, conseiller viticole à la Sicavac, à Sancerre (Cher), le 31 mai. À cette date, dans sa région, les parcelles non gelées commençaient à fleurir, annonçant un millésime précoce. Même chose en Bourgogne. « On a dû mal à suivre. Les parcelles qui avaient neuf à dix feuilles étalées il y a une semaine sont désormais au stade fin fleur », note Benoît Bazerolle, de la chambre d'agriculture de Côte-d'Or. Et de poursuivre : « L'allongement des rameaux est phénoménal. On observe jusqu'à dix à quinze centimètres par jour. »
En Champagne, les premières fleurs sont apparues le 24 mai. Avec des températures supérieures à 30 °C le week-end de l'Ascension, la végétation a évolué en flèche. Et, le 30 mai, la floraison démarrait dans les chardonnays les plus précoces. Pour l'interprofession, cette phénologie est comparable à la moyenne décennale à l'échelle du vignoble. Et de préciser dans son bulletin du 30 mai : « D'après le modèle de pousse, cette dynamique de croissance va se poursuivre sur le même rythme au cours des sept prochains jours. Ceci va favoriser le développement des parcelles affectées par le gel de printemps. »
Forte poussée végétative également en Alsace. En moyenne, les vignes non gelées étaient au stade boutons floraux séparés le 30 mai. Dans les parcelles les plus hâtives, les premières fleurs faisaient leur apparition.
Dans le Bordelais, la croissance est également soutenue dans les parcelles non gelées. En moyenne, les vignes ont dépassé la mi-floraison. Dans les secteurs qui ont subi le gel, le développement de la végétation est très variable selon la gravité de l'attaque. Dans certaines parcelles, des entre-coeurs sont apparus sur les pousses de première génération partiellement épargnées. Les plus vigoureux d'entre eux présentent jusqu'à huit feuilles étalées. Dans d'autres, les contre-bourgeons ont rapidement débourré et portent des grappes visibles. Mais dans les parcelles sévèrement touchées, la végétation reprend à peine, avec de nombreux contre-bourgeons qui ne repartent pas.
Dans le Vaucluse, les vignes ont également poussé très vite, les dix derniers jours de mai. « La floraison est en cours. Elle démarre dans les secteurs tardifs et se termine dans les secteurs précoces », constate Éric L'Helgoualch, de la chambre d'agriculture. Ce dernier craint toutefois l'apparition de coulure sur le grenache : « Une forte pousse au moment de la floraison peut provoquer ce phénomène sur ce cépage. »
Dans les Pyrénées-Orientales, les vignes sont encore plus avancées : du début de fermeture de la grappe pour les plus précoces et, pour la majorité, entre les stades nouaison et baies taille de pois. Mais cela n'a rien d'exceptionnel. « Nous avons vécu des années beaucoup plus précoces », rappelle Marc Guisset, de la chambre d'agriculture.
Avec cette forte pousse, les vignerons ne chôment pas. « Les chantiers de relevage battent leur plein », relate François Ballouhey, de la chambre d'agriculture de Dordogne.
En Bourgogne, les travaux s'enchaînent également avec le travail du sol, le relevage, l'accolage et le renouvellement des traitements. Les équipes sont soumises à rude épreuve. « Mais les vignerons préfèrent ça, plutôt que d'attendre la pousse. Tous ont à l'esprit la dernière campagne au cours de laquelle ils ont passé leur temps à courir pour ne quasiment rien récolter », explique un conseiller viticole.
Dans le Maine-et-Loire, les vignerons devaient faire face à un surcroît de travail dans les vignes gelées à cause de l'ébourgeonnage. « Ils doivent sélectionner avec soin les bois pour la taille de l'année prochaine », expliquait Perrine Dubois, conseillère viticole à l'ATV 49.
Martin Bart, vigneron à Marsannay-la-Côte, en Côte-d'Or, sur 21 ha de vignes « Nous retrouvons une récolte normale »
« La vigne pousse à une vitesse phénoménale. Elle prend une feuille tous les deux jours. Je n'ai jamais vu ça. Au 1er juin, la plupart de mes parcelles sont en pleine floraison. Les plus tardives sont à 20 % en floraison et les plus précoces en fin de floraison. Pour les travaux, j'arrive à suivre car j'avais anticipé et pris des saisonniers. Les labours se font dans de bonnes conditions. Lundi 30 mai, j'ai réalisé mon deuxième traitement. L'état sanitaire est très bon, je suis donc serein. Cette année, il est facile de raisonner les traitements. Je peux aller au bout de la rémanence des produits. Sur mon domaine, je n'ai aucune tache de mildiou. C'est rare à cette période. Je n'ai pas non plus de symptômes d'oïdium. Mais je reste vigilant car on entre dans la période de plus forte sensibilité des grappes. Cette année, nous avons une belle sortie de raisins et la fleur se passe dans de bonnes conditions. Il ne devrait pas y avoir de coulure ni de millerandage. Je suis optimiste car on revient à une récolte normale. Cela faisait longtemps que nous n'avions pas eu cela. »