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À LA VIGNE - MAI

Ils ont subi le gel...

La vigne - n°298 - juin 2017 - page 10

Après le gel, les vignerons retroussent leurs manches pour poursuivre l'exploitation de leur vignoble meurtri. Trois d'entre eux témoignent.

Jérôme Boutinon, Château Hostin le Roc, 20 ha, à Saint-Quentin-de-Baron (Gironde) « Nous étions partis pour un beau millésime »

« Nous restons combatifs malgré ce qui nous est arrivé. Dans les parcelles non gelées, les vignes sont en avance. La fleur s'est très bien passée. Sur les merlots, elle est presque terminée. Les petites baies sont bien formées. On craignait la coulure à cause du stress durant le coup de froid d'avril. Mais, il ne semble pas y en avoir. Sur 5 ha non gelés, j'ai mis un engrais à base d'algue et de bore pour favoriser une bonne floraison. Je verrai à la récolte si ce traitement a eu un effet. Sans le gel, on était parti pour un beau millésime. C'est frustrant. Plus de la moitié de nos vignes ont gelé totalement ou partiellement en avril. Nous allons faire une demi-récolte, voire un peu moins. Dans les parcelles fortement gelées, les pousses font 30 cm au maximum [6 juin, NDLR]. Elles ne portent presque pas de grappes et, quand il y en a, ce sont seulement de petites ébauches. Après le gel, j'ai laissé faire la nature. Il est ressorti des bourgeons de partout. Il y a plein de petites pousses sur les ceps et sur les baguettes, comme des petits buissons. Ce sera très dur à tailler. Mais, on verra cet hiver. Dans ces parcelles, j'ai fait les mêmes traitements fongicides qu'ailleurs, le quatrième début juin. Aujourd'hui, nous avons fini de relever les parcelles non gelées. Les autres ont encore trop peu poussé pour être relevées. Et dans les vignes partiellement atteintes, le relevage est problématique. On ne s'occupe que des bouts de rangs non touchés. Lorsqu'on arrive sur des pieds abîmés, on laisse les fils releveurs en position basse, sous le fil porteur. Un plantier de près de 1 ha semble avoir durement souffert. Il en est à la deuxième feuille. Des pieds sont morts. Je vais compter les pertes pour savoir si je peux bénéficier des calamités agricoles. Je suis assuré. L'expert est passé pour constater les dégâts dus au gel. Mais la vraie expertise ne se fera qu'en juillet. En ce qui concerne mes revenus, je vends l'essentiel de mes vins en vrac. J'attendrai aussi longtemps que je pourrai pour vendre car les cours montent. »

Jean-Claude Blanc, 20 ha, à Gignac, dans l'Hérault « Heureusement que ma femme est fonctionnaire »

 © M. TRÉVOUX

© M. TRÉVOUX

« Depuis deux ans, je subis les aléas climatiques. L'an dernier, ma récolte a fondu de 20 % sous l'effet de la sécheresse. Cette année, la récolte s'annonçait belle, la sortie était généreuse, mais la gelée noire survenue les 19 et 20 avril a méchamment balayé ces perspectives prometteuses. Sur mes 20 ha de vigne, 3 ha ainsi qu'un plantier ont été gelés à 100 %. Huit autres hectares ont été touchés à 60 %. Pour le reste, les dégâts sont estimés à 30 %. Le matin de la gelée, tout le feuillage des vignes touchées à 100 % était noir, à l'exception des gourmands qui ont été épargnés. C'est un courant d'air froid descendu sur la vigne qui a provoqué cette catastrophe. C'était un spectacle déprimant. Aujourd'hui, on fait aller. Il faut bien. Une dizaine de jours après le gel, les premières pousses ont commencé à sortir, si bien que fin mai, la vigne a retrouvé une allure plus normale. Mais la hauteur du feuillage reste réduite par rapport aux vignes épargnées par le gel qui, elles, sont entre la fin de la floraison et le stade petit pois. Et surtout, il n'y a quasiment plus de grappes. J'ai réalisé un épamprage très soigné sur les vignes gelées pour éviter que les pampres n'affaiblissent la souche. Et j'ai traité comme à l'accoutumée. Avec ou sans raisin, il faut protéger la vigne. Côté commercial, j'ai commencé à prévenir mes clients. J'élabore un assemblage gewurztraminer-viognier qui plaît beaucoup. Ma parcelle de gewurztraminer fait partie des vignes qui ont gelé à 100 %. Je ne pourrai donc pas faire de millésime 2017. Quand j'en informe mes clients sur les marchés, ils prennent des cartons en plus. Ça ne m'arrange pas. Je suis aussi coopérateur. Je viens de quitter une cave pour adhérer à une autre. Je vais pouvoir revoir mes apports pour maintenir mes volumes de vins en bouteille. Quant aux conséquences financières de ce gel, je ne les ai pas encore évaluées. Je suis assuré contre la grêle et le gel, mais je ne connaîtrai le montant pris en charge par les assurances qu'après la déclaration de récolte. Et puis, il y a une franchise. Heureusement que ma femme est fonctionnaire. Son salaire va nous permettre de passer le cap. »

Didier Avenet, 8,5 ha, à Saint-Martin-le-Beau, en Indre-et-Loire « On espère une récolte correcte. »

 © CAVE COOPÉRATIVE DE MONTLOUIS

© CAVE COOPÉRATIVE DE MONTLOUIS

« Sur l'ensemble de mes vignes, j'ai perdu environ un tiers de ma récolte. J'exploite tout en AOC Montlouis-sur-Loire, avec ma fille. Ça a été dur, d'autant plus que nous avions déjà subi le gel l'an passé. Heureusement, nous avons été en partie épargnés grâce aux survols des hélicoptères sur l'aire de l'AOC. Les vignes gelées ont mis du temps à repartir. Pour les rebooster, j'ai effectué un traitement au bore. Mais les contre-bourgeons ne sont sortis que fin mai et ne sont actuellement [le 2 juin, NDLR] qu'au stade quatre-cinq feuilles.

Par contre, les vignes non gelées sont déjà en début de fleur et le beau temps a accéléré la pousse de la vigne de manière incroyable. Ça redonne le moral ! Mais cela nous donne beaucoup de travail car nous devons tout faire en même temps : terminer de plier les baguettes, ébourgeonner et débuter les traitements. Actuellement, les conditions sanitaires sont parfaites comparées à l'an passé. On peut espérer avoir une récolte correcte. Mais la floraison est une étape cruciale. Il faut donc rester vigilant quant à l'état sanitaire des vignes. Pour le moment, comme la plupart de mes collègues, j'ai déjà effectué trois traitements préventifs sur tout mon vignoble contre l'oïdium, le mildiou et le black-rot. Côté finance, nous attendons de voir comment se passent les vendanges et faire avec les moyens du bord. J'avais prévu de planter une parcelle de vigne cette année. Par souci d'économie, nous allons repousser à l'an prochain. Nous sommes coopérateurs. Pour le moment, nous commençons tout juste à percevoir les paiements mensualisés pour le millésime 2015. Pour le 2016, année de gel, nous avons voté un paiement en quatre fois pour éviter d'avoir de trop maigres versements. A priori, la coopérative devrait faire de même pour 2017. Comme l'an passé, elle devrait aussi acheter du jus de raisin dans le sud de la France pour faire du vin de pays. En tout cas, je ne regrette pas de ne pas avoir été assuré contre le gel. L'intervention des hélicos m'a coûté 577 € HT en tout. Si j'avais pris une assurance, j'aurais dû payer 500 €/ha et je n'aurais pas été remboursé.

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