Retour

imprimer l'article Imprimer

VIGNE

Irrigation Le compte est bon

FRÉDÉRIQUE EHRHARD - La vigne - n°299 - juillet 2017 - page 30

Trois vignerons qui ont beaucoup investi dans l'irrigation témoignent dans La Vigne. Leurs comptes sont positifs car ils parviennent à assurer rendement et qualité.
BAPTISTE FAURE, sur 50 ha en IGP Pays d'Oc, irrigue déjà 35 ha et compte équiper toutes ses vignes.

BAPTISTE FAURE, sur 50 ha en IGP Pays d'Oc, irrigue déjà 35 ha et compte équiper toutes ses vignes.

PHILIPPE CHAMAYRAC utilise la fertirrigation pour redresser la vigueur dans les parcelles fatiguées. © F. EHRHARD

PHILIPPE CHAMAYRAC utilise la fertirrigation pour redresser la vigueur dans les parcelles fatiguées. © F. EHRHARD

Philippe Chamayrac « Je sécurise les rendements »

« Avec quatre voisins, nous avons obtenu une extension du réseau hydraulique régional en 2014. J'y ai souscrit pour mes 40 ha en AOP Languedoc-La Clape car je veux sécuriser mes rendements autour de 40 hl/ha », explique Philippe Chamayrac, du domaine Mire l'Étang, à Fleury-d'Aude (Aude). Dès le contrat signé, il a équipé les 20 ha les plus sensibles au stress hydrique. « J'ai bien fait car cela m'a permis de limiter les pertes en 2016, une année très sèche avec seulement 170 mm de pluies ! »

Dans les 20 ha irrigués, il a rechargé les sols dès la sortie de l'hiver. Il a évité les blocages de maturation et obtenu une belle récolte. « Certaines parcelles des 20 ha non irrigués n'ont donné que 25 à 30 hl/ha. Les ceps ont souffert et, à la taille, je n'ai pu garder que trois coursons au lieu de six », note le vigneron. À l'arrivée, il a vinifié 1 850 hl au lieu des 2 200 hl habituels. « La perte n'est que de 350 hl. Sans l'irrigation, j'aurais perdu le double, et je n'aurais pas pu servir tous mes clients. »

Pour l'extension du réseau, Philippe Chamayrac a dû débourser 1 000 €/ha. L'équipement des parcelles lui est revenu à 3 200 €/ha, desquels il faut déduire 800 €/ha d'aides de FranceAgriMer. L'amortissement de ces investissements sur dix ans est de 340 €/ha. Pour l'abonnement, il compte en moyenne 70 €/ha et pour la consommation d'eau 100 €/ha, ce qui donne un total de 510 €/ha. « Avec des vins bien valorisés, c'est rentable. Je prévois d'équiper rapidement les 20 hectares restants. Avec le goutte-à-goutte, la reprise des complants est meilleure. Et grâce à la fertirrigation, j'arrive à redresser en une année la vigueur des parcelles fatiguées qui retrouvent de beaux bois. »

Baptiste Faure « Un gain moyen de 15 hl/ha »

Baptiste Faure a commencé à irriguer ses vignes en 2008. Elles ne réagissent pas toutes de la même façon aux apports d'eau. Mais avec le recul, il estime qu'il a gagné 15 hl/ha/an, ses rendements moyens passant de 60 à 75 hl/ha. « En irriguant, j'évite également les blocages de maturité, ce qui améliore la qualité des raisins que je livre à la coopérative », ajoute cet adhérent de la cave d'Ouveillan (Aude), cogérant du Gaec Le Clauzet.

Le gain dû aux apports d'eau varie d'une année à l'autre. En 2016, par exemple, avec une sécheresse très marquée, il a été bien supérieur à 15 hl/ha. « Dans les parcelles non irriguées, j'ai récolté seulement 30 à 40 hl/ha, indique-t-il. Alors qu'avec l'irrigation, j'ai atteint 70 à 80 hl/ha en rouge et 80 à 90 hl/ha en blanc. »

Pour obtenir ce résultat, il s'est appuyé sur les conseils de la chambre d'agriculture de l'Aude, qui suit une de ses parcelles. Elle y recueille de quoi prodiguer des conseils adaptés à ce secteur. « En apportant de l'eau au bon moment, je n'ai consommé que 800 m3/ha. Le pilotage de l'irrigation est pointu, il faut se former et être accompagné au début », souligne le jeune vigneron.

Il cultive 50 ha en IGP Pays d'Oc, dont 35 ha irrigués. En moyenne, il paye 455 €/ha de frais d'irrigation : 250 €/ha pour les extensions de réseau dont il a bénéficié, auxquels il faut ajouter 70 €/ha pour l'équipement des parcelles, 65 €/ha pour l'abonnement au réseau et 70 €/ha de consommation d'eau.

Avec un prix net versé par sa cave de 75 €/hl, son produit brut progresse de 1 125 €/ha. Une fois le coût de l'irrigation déduit, sa marge s'améliore de 670 €/ha. Sur ses 35 ha irrigués, cela représente 23 450 € de plus, de quoi conforter sa trésorerie. « À terme, je compte irriguer toutes mes parcelles. Ces dernières années, j'ai beaucoup investi dans le renouvellement du vignoble, et j'ai besoin de produire régulièrement », indique Baptiste Faure. i

Simon Dauré « Des vins plus souples »

« En 2011, nous avons investi dans un forage. Et depuis, nous installons le goutte-à-goutte sur toutes les vignes que nous replantons, soit 5 à 6 ha par an. Le retour sur investissement est meilleur que sur les vieilles vignes », estime Simon Dauré, du château de Jau, à Cases-de-Pène (Pyrénées-Orientales), qui irrigue aujourd'hui la moitié de ses 90 ha. En 2016, il n'est tombé que 250 mm de pluies. Dans ces conditions très arides, l'irrigation a seulement de limité les dégâts. « En coteau, nous n'avons pas atteint le rendement visé car il y a eu du vent et de fortes chaleurs », note Henri Guillemont, consultant en irrigation pour le domaine. Mais ces vignes ont moins souffert que celles privées d'eau. « À la taille, leurs bois étaient plus vigoureux, et au printemps, la sortie de grappe a été meilleure », constate Simon Dauré. Les études et le forage lui ont coûté 17 000 €. L'équipement des parcelles, 3 000 €/ha. Son objectif de rendement est de 45 hl/ha en AOP Côtes du Roussillon et de 60 à 70 hl/ha en IGP. En irriguant, il y parvient sur les vignes en IGP, situées sur des sols assez profonds en bord de rivière. En AOP, il évite surtout les stress hydriques. « Les cuvées vinifiées avec des raisins issus de vignes irriguées sont plus souples, c'est très net. »

Bien que ses objectifs ne soient pas pleinement atteints, Simon Dauré continue d'investir pour finir d'irriguer tout son vignoble. « C'est un enjeu vital car, à 30 hl/ha, ce n'est plus viable économiquement ! »

C'est rentable si le vin se vend bien

En 2010, le CER France Midi Méditerranée a étudié la rentabilité de l'irrigation dans 23 exploitations du Languedoc-Roussillon produisant des IGP. Le coût, incluant l'amortissement du matériel, l'abonnement, l'eau et la maintenance, variait de 143 à 673 €/ha pour une moyenne de 448 €/ha. L'amélioration du rendement moyen fut de 5 à 40 %. À l'époque, le vin n'était payé que 39 €/hl en moyenne aux coopérateurs de cet échantillon. À ce prix, et pour un gain moyen de 12 hl/ha, l'irrigation n'était pas rentable. Cependant, pour les producteurs les mieux placés, l'affaire était déjà rentable. Comme ils obtenaient 21 hl/ha de plus grâce à l'irrigation et un prix de 61 €/hl, leur marge s'améliorait de 538 €/ha. « Aux cours acteuls, l'irrigation est rentable dans la plupart des cas, à condition que le manque d'eau soit le principal facteur limitant du rendement et l'irrigation bien pilotée. En 2016, ceux qui n'ont pas apporté l'eau au bon moment n'ont pas obtenu de résultats », souligne Benjamin Devaux, du CER France Midi Méditerranée.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :