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VIGNE

Maladies du bois La recherche avance

CHRISTELLE STEF - La vigne - n°300 - septembre 2017 - page 34

240 chercheurs du monde entier ont présenté leurs travaux à Reims, du 4 au 7 juillet, lors du Xe Congrès international sur les maladies du bois.
LES CHERCHEURS PRÉSENTS À REIMS ont abordé tous les progrès en matière de lutte contre les maladies du bois.

LES CHERCHEURS PRÉSENTS À REIMS ont abordé tous les progrès en matière de lutte contre les maladies du bois.

L'ESCA provoque encore de gros dégâts dans les vignes. © C. STEF

L'ESCA provoque encore de gros dégâts dans les vignes. © C. STEF

Porte-greffes

Il faut palisser les vignes mères !

Pour Helen Waite, chercheuse australienne qui travaille désormais au Royaume-Uni, les pépiniéristes ont du pain sur la planche. Elle leur suggère toute une série de mesures pour éviter la contamination des boutures de porte-greffes qui sont, selon elle, une source majeure de contamination des plants par les maladies du bois.

Pour commencer, les pépiniéristes doivent renoncer à la conduite classique en « tête de saule », à même le sol. Avec ce mode de conduite, toutes les plaies de taille sont concentrées au même endroit. De ce fait, les infections se propagent rapidement à l'ensemble de la souche et aux nouvelles pousses. Or, comme ces souches n'ont pas de tronc, il est impossible de les recéper. Le remède consiste à palisser les porte-greffes sur un fil ou sur une table. On peut alors régénérer les pieds malades pour récolter des bois plus sains. De plus, les sarments ne traînent plus au sol, donc leur écorce est moins contaminée.

« Le palissage, c'est ce que nous faisons. Au-delà de l'aspect sanitaire, cela procure des bois plus homogènes », précise Olivier Zekri, responsable innovation et process chez le pépiniériste Mercier, qui a contribué aux travaux d'Helen Waite.

Cette dernière déconseille l'irrigation par aspersion ou à la raie et l'établissement de vignes mères de porte-greffe dans des zones humides. Elle préconise de récolter les bois en taillant juste avant un bourgeon pour laisser de longs entre-noeuds en guise de zone de dessèchement. Elle recommande aussi de retirer et de détruire tous les débris de taille, de désinfecter les plaies de taille, les sécateurs, ainsi que les boutures. « L'objectif de ce travail est de définir les bonnes pratiques de conduite des vignes mères en lien avec les pépiniéristes. Puis d'aboutir à une résolution de l'OIV », explique Olivier Zekri.

Au vignoble

Pas de répit pour les plants

Olivier Yobrégat, de l'IFV pôle Sud-Ouest, en est le premier surpris. Trois ans seulement après avoir mis en place son essai, il a obtenu des résultats spectaculaires. Cet ingénieur a voulu savoir à quelle vitesse les plants étaient contaminés au vignoble. En 2013, il a mis en place un essai comparant des plants traditionnels à des plants issus de greffe herbacée. Ces derniers sont exempts de champignons à leur sortie de pépinière du fait de leur mode de production. On aurait pu s'attendre à ce qu'ils restent indemnes plus longtemps que les autres. Que nenni !

Trois ans après la plantation, 80 % des plants étaient contaminés par les champignons de l'esca, tant en surface sur les écorces, qu'en profondeur au sein des bois. Et les plants issus du greffage en vert étaient autant atteints que les traditionnels. Olivier Yobrégat ne s'attendait pas à un résultat aussi net en si peu de temps.

« Dès que l'on met les plants au vignoble, ils se font contaminer massivement et rapidement. L'impact des contaminations en pépinière est donc minime comparé à celles qui ont lieu au vignoble. Réduire l'inoculum en pépinière est une bonne chose mais il faut aussi concentrer les efforts de recherche sur les moyens de lutte dans la vigne, là où les contaminations sont les plus massives », observe le technicien viticole.

Olivier Yobrégat a travaillé avec du sauvignon blanc (clone 197) greffé sur 110 R (clone 237). Un résultat en contradiction avec les travaux d'Helen Waite qui estime que les boutures de porte-greffes sont une source majeure de contamination des plants (voir paragraphe précédent).

Plaies de taille

Une nouvelle protection en vue

BASF a présenté un nouveau produit de protection des plaies de taille strictement préventif. « Il empêche les champignons de pénétrer dans les plaies en formant une barrière physique durant plusieurs mois. Et il comprend deux fongicides létaux pour les spores », explique Pierre-Antoine Lardier, le responsable du pôle cultures spéciales chez BASF. Ce produit est à base d'un polymère qui durcit une fois appliqué sur les plaies de taille. Il contient aussi de la pyraclostrobine et du boscalid, deux fongicides à large spectre.

Selon la firme, il est plus efficace que les solutions déjà commercialisées. Il est destiné aux jeunes vignes à raison d'une application par an, juste après la taille. BASF doit encore préciser ses conditions d'utilisation. L'entreprise espère son homologation en 2019 ou 2020 pour lutter contre l'esca et l'eutypiose.

Pour réaliser les traitements, BASF, Felco et Mesto ont conçu un pulvérisateur à dos de précision. « C'est un matériel portable par le viticulteur durant toute une journée », assure Pierre-Antoine Lardier.

Biocontrôle

Des bactéries à la rescousse

À l'Inra-Bordeaux Sciences Agro, l'équipe de Patrice Rey planche sur l'implication des bactéries dans les maladies du bois. « On en trouve énormément dans le bois sain mais aussi dans les bois nécrosés. Certaines inhibent les champignons, d'autres les favorisent », explique l'enseignant-chercheur.

Pour y voir clair, la chercheuse Rana Haidar a récolté 46 souches de bactéries dans le vignoble bordelais. Puis, elle a étudié leur effet sur P. chlamydospora (Pch) et N. parvum, deux champignons majeurs de l'esca/BDA. Trois de ces souches appartenant à trois espèces (P. agglomerans, Pænibacillus sp et B. pumilus) ont permis de réduire significativement la taille des nécroses (entre 40 et 64 %). Une autre doctorante, Awatef Rezgui, a montré que la protection dépend du cépage. Dans ses essais, les bactéries ont bien mieux protégé le muscat d'Italie que le cabernet-sauvignon.

Ces bactéries pourraient être utilisées comme agent de bio-contrôle. Les recherches en ce sens vont donc se poursuivre.

L'équipe de Patrice Rey étudie aussi Pythium oligandrum, un pseudo-champignon qui vit sur les racines de la vigne. Elle travaille sur ce sujet avec Biovitis. Lorsqu'il est appliqué sur des greffés-soudés, P. oligandrum réduit la taille des nécroses provoquées par Pch de 40 à 60 %. « Les essais au champ sont en cours. Nous espérons pouvoir l'homologuer comme agent de biocontrôle d'ici trois ans », indique Patrice Rey. Le chercheur pense associer les micro-organismes. « Les viticulteurs pourraient protéger les plaies de taille avec des bactéries et appliquer Pythium oligandrum au niveau des racines », suggère-t-il.

Un coût énorme

Les maladies du bois sont un fléau mondial. L'an passé, l'OIV a fait les comptes. En France, elles sont responsables d'une perte de production estimée à un milliard d'euros par an. En Californie, l'impact économique s'élève à 260 millions de dollars par an. En Australie, pays principalement affecté par l'eutypiose, les pertes liées à cette maladie sont évaluées à 8,3 milliards de dollars. C'est la raison pour laquelle les chercheurs du monde entier se mobilisent pour étudier ces maladies et y trouver des remèdes. Depuis 1999, tous les deux ans et demi à trois ans, ils se réunissent au sein d'un congrès international pour partager leurs dernières découvertes. Cette année, il a eu lieu pour la première fois en France, à Reims.

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