Retour

imprimer l'article Imprimer

DOSSIER - Matière organique : le retour

Conseils Les fabricants font du cousu main

FRÉDÉRIQUE EHRHARD - La vigne - n°302 - novembre 2017 - page 32

Les uns après les autres, les fabricants d'engrais organiques proposent des conventions aux viticulteurs dans lesquelles ils s'engagent à leur fournir un plan de fertilisation adapté à leurs objectifs de rendement et de qualité.
FOSSE PÉDOLOGIQUE creusée dans une parcelle d'un adhérent de la maison Hauller, en Alsace, pour mieux apréhender la fertilisation. ©  HAULLER

FOSSE PÉDOLOGIQUE creusée dans une parcelle d'un adhérent de la maison Hauller, en Alsace, pour mieux apréhender la fertilisation. © HAULLER

UN ÉPANDEUR verse du compost obtenu à partir de marc de raisins. © CAVALE

UN ÉPANDEUR verse du compost obtenu à partir de marc de raisins. © CAVALE

ROMAIN FRAYSSINET, en charge des achats, et Régis Castan, conseiller Authentis. © FRAYSSINET

ROMAIN FRAYSSINET, en charge des achats, et Régis Castan, conseiller Authentis. © FRAYSSINET

« Le rendement a été amélioré de 8 à 15 %. » Frédéric Tappe, responsable viticole de la maison Hauller.

« Le rendement a été amélioré de 8 à 15 %. » Frédéric Tappe, responsable viticole de la maison Hauller.

« Je voudrais affiner le pilotage de mes apports pour mieux nourrir mes sols et mes vignes » Sébastien Michelas, vigneron sur 50 ha, à Mercurol, dans la Drôme BOLO

« Je voudrais affiner le pilotage de mes apports pour mieux nourrir mes sols et mes vignes » Sébastien Michelas, vigneron sur 50 ha, à Mercurol, dans la Drôme BOLO

Frayssinet

Le pionnier

Frayssinet fait figure de pionnier. Dès 2009, ce fabricant d'engrais et d'amendements organiques a lancé ses conventions Authentis. À ce jour, il en a signé vingt-cinq en France et en Catalogne, avec des vignerons, des coopératives et des négociants.

« Dans ce cadre, nous déterminons un programme de fertilisation adapté aux objectifs de chaque signataire, qui réponde aux problèmes ou questions qu'il se pose », indique Régis Castan, chargé de mission pour la démarche Authentis. Dans un premier temps, l'entreprise met son programme en place sur des parcelles d'essai pour démontrer l'efficacité de ses produits et de ses conseils. Preuves à l'appui, elle espère par la suite augmenter ses ventes.

Les analyses de sol, sarments ou pétioles nécessaires à l'établissement de la feuille de route sont à la charge de la cave. Frayssinet suit gratuitement les essais. Chaque convention précise le nombre d'heures à y consacrer, et prévoit deux à trois réunions par an pour présenter les résultats aux caves signataires et, le cas échéant, former leurs salariés, adhérents ou apporteurs. « Ces actions contribuent à une meilleure connaissance de la matière organique, des sols et de la fertilisation. Elles s'inscrivent dans notre démarche agroresponsable, ajoute Régis Castan.

Les Vignobles Dom Brial est l'un de ses premiers clients. « En 2010, nous avons signé une convention avec Frayssinet. Nos adhérents étaient confrontés à une baisse de la vigueur dans les sols pauvres en matière organique. Notre objectif était de mener des essais pour trouver les moyens de redresser la barre », explique Robert Martin, directeur technique de cette coopérative des Pyrénées-Orientales.

Pour les aider, Frayssinet a d'abord procédé à un diagnostic en s'appuyant sur des analyses de sol et de sarments de 6 ha appartenant à la cave et de douze parcelles d'adhérents. Puis il a élaboré des programmes de nutrition et de stimulation de la vigne à base d'amendements organiques, de stimulants racinaires et d'engrais foliaires. Ceux-ci ont permis de retrouver de la vigueur et d'améliorer la qualité des vins. Les adhérents qui le souhaitaient ont pu ensuite appliquer le même type de programme dans leurs vignes.

Il y a trois ans, Robert Casas, viticulteur à Pézilla-la-Rivière, dans les Pyrénées-Orientales, s'est lancé dans la fertilisation de ses 35 ha de côtes-du-roussillon-villages : « Je faisais l'impasse sur la fertilisation depuis plusieurs années pour des raisons économiques. Le taux de matière organique de mes sols, proche de 1 %, était très bas et les rendements plafonnaient autour des 25-30 hl/ha. »

Après le diagnostic, il a commencé par corriger le pH de deux parcelles. Puis il a amené un amendement organique en bouchons, complété en 2016 par un engrais minéral, et en 2017 par des apports foliaires. « La végétation a repris de la vigueur et reste verte plus longtemps. Les bois sont plus beaux. En 2016, je suis remonté à 40 hl/ha dans ces parcelles, et en 2017, à 45 hl/ha. »

L'apport d'amendement organique lui revient à 300 €/ha (1 t/ha). « C'est deux fois plus cher qu'une fumure minérale. Mais la cave en paie la moitié. Cela m'a aidé à franchir le pas », apprécie le vigneron. Pour la coopérative, le retour est également positif. « Nous réservons cette aide aux parcelles de côtes-du-roussillon-villages qui approvisionnent nos cuvées en haut de gamme. Elles représentent 10 % de la surface. Mais il y a un effet de levier qui profite à l'ensemble du vignoble », constate Robert Martin.

Les formations, les présentations des résultats d'essai et les suivis réalisés dans le cadre de la convention ont remobilisé les adhérents sur la fertilisation. « Cela a contribué à régulariser les rendements, qui s'établissent depuis six ans autour de 5 000 kg/ha pour l'ensemble du vignoble. Et avec ces programmes nutritionnels, nous avons aussi amélioré le profil organoleptique des vins », ajoute le directeur technique.

En Alsace, la maison Hauller a signé une convention il y a trois ans. « Une partie des vignes de nos apporteurs de raisins se trouvent sur des sols granitiques légers, sensibles au stress hydrique et qui se tassent facilement. Nous voulons savoir s'il est possible d'augmenter leur réserve utile en eau et de favoriser la maturité par une meilleure fertilisation », explique Frédéric Tappe, responsable viticole de ce négociant-vinificateur, installé à Dambach-la-Ville (Bas-Rhin).

Ils ont choisi deux parcelles d'essai chez des vignerons volontaires, l'une en gewurztraminer et l'autre en riesling. Après avoir observé les sols et effectué des analyses, ils ont élaboré avec le technicien un programme de nutrition associant un apport d'amendements organiques, un stimulant racinaire et des pulvérisations foliaires. « Nous avons mené tout ce travail avec un groupe de vignerons intéressés par la fertilisation, qui ont participé à la réflexion », précise Frédéric Tappe.

Le programme a été appliqué pendant trois ans sur la moitié de ces deux parcelles, l'autre moitié servant de témoin. « Le rendement a été amélioré de 8 à 15 % suivant les années et le degré de 0,2 à 0,3 point », assure-t-il. La parcelle de gerwuztraminer appartient à Frédéric Sohler, à Itterswiller, dans le Bas-Rhin. « Durant l'été, la végétation était plus régulière et plus fournie dans la partie qui a reçu ces apports. Il y a eu un léger gain de degré. Ce qui m'intéresse. J'ai quelques parcelles qui ont du mal à arriver à maturité sur lesquelles je vais tester ces apports foliaires », explique le vigneron alsacien.

OvinAlp

Un coût bien établi

En 2013, OvinAlp a emboîté le pas à son concurrent en lançant le suivi « VISA pour une fertilisation durable ». Comme Frayssinet, ce fabricant met son expertise au service des viticulteurs pour les aider à construire un programme de fertilisation adapté à leurs objectifs de rendement et de qualité. Pour cela, OvinAlp s'appuie sur Magma, un laboratoire indépendant. Celui-ci effectue toute une palette d'analyses, du sol jusqu'au moût. En fonction des résultats, il fait des préconisations adaptées à chaque parcelle.

Le programme se déroule sur trois ans. Durant la première phase, de 2013 à 2015, vingt-sept domaines ont souscrit à ce suivi, qui était gratuit. OvinAlp a ainsi pu tester sa méthode de travail et constituer une base de données en étudiant des parcelles dans différents vignobles. Pour la deuxième phase, qui a débuté cette année, trente-deux domaines se sont lancés. Le coût d'un suivi complet - prélèvements, analyses du sol, des pétioles, grappes et moûts et interprétation des résultats - est de 1 550 € HT par an, soit 4 650 € HT au total.

Le Château Latour, à Pauillac, en Gironde, a bénéficié d'un suivi, de 2013 à 2015, de deux de ses 130 parcelles, l'une en merlot et l'autre en cabernet-sauvignon. « Nous voulions mieux connaître nos sols pour affiner le pilotage de la fertilisation », relate Dorian Fages, responsable du développement des vignobles. Deux indicateurs utilisés par le laboratoire Magma l'ont particulièrement intéressé, l'indice de respiration des sols (IRB) et le fractionnement de la matière organique (FMO). « En connaissant la stabilité des différentes fractions organiques présentes dans le sol, nous avons pu ajuster la dose et le type d'engrais à apporter », précise-t-il.

Pour aller plus loin et mieux comprendre l'intérêt des indicateurs du laboratoire Magma et tester les leviers à actionner pour stimuler la vie du sol tout en évitant les blocages, le Château Latour a signé pour un suivi de la parcelle de merlot pendant trois ans, de 2017 à 2019.

Angibaud

Les distributeurs impliqués

En 2016, l'entreprise Angibaud, Derome & Spécialités s'est lancée à son tour dans la mise en place de conventions avec des vignerons. Dénommées Terra Millenium, elles associent également le distributeur qui fournit le vigneron. Une petite dizaine de ces conventions a déjà été signée. « Nous commençons par faire un bilan en nous appuyant sur des analyses de sol, de sarments puis de sève au cours de la saison », explique Nicolas Noyes, spécialiste de la nutrition chez Angibaud. Ces analyses sont payées par le vigneron. Le suivi et les conseils, eux, sont gratuits.

« Notre technicien local et celui du distributeur observent les vignes à des stades clés. Si nécessaire, nous conseillons de corriger le tir en cours de saison, au sol ou en foliaire. Et, en fin d'année, nous faisons le point pour recaler la fertilisation de l'année à venir », poursuit Nicolas Noyes. Vignerons et conseillers partagent ainsi leurs expériences. « Ces échanges vont nous permettre aussi de mieux cerner les besoins de nos clients et de voir comment faire évoluer nos produits », ajoute-t-il.

L'an dernier, Sébastien Michelas a signé une convention avec Angibaud et sa coopérative d'approvisionnement. « Dans mes vignes, j'apporte du compost tous les trois ans, du phosphore et de la potasse tous les cinq ou six ans, ainsi que des engrais foliaires en saison. Mais je voudrais affiner le pilotage de ces apports pour mieux nourrir mes sols et mes vignes et tenter d'améliorer encore la qualité de mes vins », explique ce vigneron installé sur 50 ha de vignes à Mercurol, dans la Drôme.

« Nous avons choisi deux parcelles d'essai et réalisé des analyses de sol, de sarments et de sève en saison. Dans l'une des parcelles, j'ai fertilisé comme d'habitude, et dans l'autre j'ai suivi les conseils d'Angibaud », détaille Sébastien Michelas.

Le technicien de la coopérative est venu tous les quinze jours observer les vignes. Sébastien Michelas a vinifié séparément ces deux parcelles. « En fin d'année, nous allons refaire des analyses de sarments et établir un premier bilan. Dans cette convention, je n'ai que les analyses à payer. Et je bénéficie de la compétence d'un spécialiste avec qui j'échange pour progresser », apprécie-t-il.

Bruno Le Breton, Domaine de la Jasse, à Combaillaux (Hérault), 55 ha en IGP Pays d'Oc « Un enherbement total à l'essai »

« Je cherche à mieux nourrir mes vignes. Pour progresser, j'ai besoin d'interlocuteurs. Il y a trois ans, j'ai signé une convention Authentis. Avec mon chef de culture, nous rencontrons régulièrement le technicien de Frayssinet. Je participe également au club Authentis pour échanger avec d'autres vignerons. C'est très enrichissant ! L'an prochain, je prévois de mettre en place un essai d'enherbement total. C'est une bonne alternative au travail du sol et au désherbage chimique, et cela favorise la vie biologique du sol. Mais pour que l'herbe ne concurrence pas la vigne, il faut nourrir les deux. Frayssinet va m'aider à bâtir un programme dans ce but. Depuis que j'ai signé la convention, j'ai revu mon programme de fertilisation. J'ai remplacé le compost par un engrais organique en bouchon, plus facile à épandre. Nous amenons aussi de l'azote, de la potasse et un stimulateur de la croissance racinaire en fertirrigation. En nourrissant mieux les vignes, nous espérons qu'elles résisteront mieux aux stress climatiques. Cette année, nous avons noté des différences de comportement face à la sécheresse. »

Onzeflor Une convention pour un meilleur revenu

Pierre-Louis Farges, président de Sieur d'Arques, Jacques Barthès, président de Germiflor, et Francis Pagès, président de Cavale.  © CAVALE

Pierre-Louis Farges, président de Sieur d'Arques, Jacques Barthès, président de Germiflor, et Francis Pagès, président de Cavale. © CAVALE

Le 10 octobre dernier, Sieur d'Arques, la coopérative d'approvisionnement Cavale et le fabricant Lautier-Germiflor ont signé la convention Onzeflor, à Limoux, dans l'Aude. Les signataires s'engagent à apporter des conseils aux adhérents de Sieur d'Arques qui le souhaitent pour les aider à améliorer la qualité de leurs raisins, de leur rendement et de leur revenu par la fertilisation. « Nous nous appuierons, entre autres, sur le logiciel Fenvi de Germiflor, qui permet d'établir des programmes en fonction des analyses de sol et des objectifs de rendement », explique Christophe Bonnemort, directeur de Cavale. Lautier-Germiflor prévoit de proposer cette convention à tous ses clients à partir de la campagne 2018-2019, après avoir tiré les enseignements de ce galop d'essai. Depuis 2011, Sieur d'Arques, Cavale et Lautier-Germiflor mènent un essai au domaine de Flandry, à Limoux, avec la chambre d'agriculture de l'Aude. À cette occasion, ils ont mis en évidence l'intérêt des fertilisations organo-minérales et organiques par rapport à une stratégie exclusivement minérale.

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :