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VENDRE - Observatoire des marchés

Canada En route vers le libre-échange

CHANTAL SARRAZIN - La vigne - n°302 - novembre 2017 - page 84

L'accord de libre-échange signé entre l'Union européenne et le Canada est censé dynamiser nos exportations vers ce pays. Mais rien n'est moins sûr...

Le 21 septembre dernier, la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France (FEVS) a salué l'entrée en vigueur, le même jour, de l'accord de libre-échange (Ceta) conclu entre l'Europe et le Canada. « C'est une excellente nouvelle pour la compétitivité des vins et spiritueux français sur le marché canadien, mais aussi pour nos entreprises et nos territoires », a indiqué Antoine Leccia, président de la FEVS.

Cet accord comporte plusieurs avancées. Primo, il signe la fin des droits de douane prélevés par l'État fédéral, qui s'élevaient à 4,68 dollars canadiens par hectolitre pour les vins tranquilles européens (3,15 €/hl).

Secundo, il prévoit de lutter contre les mesures discriminatoires appliquées par les provinces canadiennes à l'encontre des produits importés. Idem pour les pratiques anticoncurrentielles des monopoles provinciaux d'importation et de distribution d'alcool. Il est en effet impossible d'exporter au Canada sans être référencé par l'un de ces organismes, les deux principaux étant la Société des alcools du Québec (SAQ) et le Liquor Control Board of Ontario (LCBO).

« Ces monopoles ont une fâcheuse tendance à privilégier les vins locaux en imposant des contraintes aux vins importés comme un poids limite de bouteille, des analyses de métaux lourds..., déplore Pierre Genest, directeur adjoint de la FEVS. Ils appliquent aussi certaines taxes uniquement sur les vins importés. » Désormais, la Commission européenne peut contester ces réglementations.

Pas sûr, dans l'immédiat, que les vins français deviennent plus compétitifs au Canada. « Nous ignorons encore quelles seront les répercussions de l'accord sur nos ventes », annonce Anthony Jaume, responsable export au domaine Jaume, à Vinsobres, dans la Drôme, qui expédie 17 000 cols par an au Québec et en Ontario. Selon lui, la suppression des droits de douane n'aura quasiment pas d'impact sur le prix de vente de ses vins. Ces droits étant de 3,15 €/hl, il n'a pas tort !

À l'inverse des taxes fédérales, les taxes provinciales n'entrent pas dans le champ de l'accord. Elles devraient donc perdurer. D'autant qu'elles participent au financement des systèmes d'éducation et de santé des provinces.

« Quasi nulles dans certaines régions comme l'Alberta, ces taxes sont beaucoup plus élevées au Québec ou en Ontario », précise Sébastien Kravetz, qui a créé une agence d'importation de vins français à Calgary, dans l'Alberta. Au Québec, elles représentent 13,8 % du prix de vente d'une bouteille de vin en boutique, selon le rapport 2017 de la SAQ.

« Nous n'avons reçu aucune information de la part de nos agents sur les conséquences de l'accord pour nos expéditions », commente Christophe Bousquet, vigneron à Gruissan (Aude), pour qui le Canada représente 35 % de ses ventes (20 000 cols) et son premier marché à l'export. « Nous avons interrogé le directeur des achats de la SAQ lors de sa venue en septembre dernier. Il nous a indiqué que rien ne devrait changer. »

Kévin Tessieux, gérant de la maison Collovray et Terrier, à Davayé, en Saône-et-Loire, a entendu le même son de cloche de la part de la LCBO. « Les Canadiens continueront à payer nos vins au même prix », expose-t-il. La petite marge dégagée par la disparition des droits de douane fédéraux devrait aller dans les poches des monopoles d'État. « Nous misons davantage sur notre travail de prospection et d'animation sur le terrain pour développer nos exportations que sur l'accord qui vient d'être adopté », souligne Kévin Tessieux. Il n'est pas le seul.

Un marché vérouillé par les monopoles d'État

Au Canada, l'importation et la distribution des vins sont réservées à des monopoles provinciaux. Pour y être référencé, il faut répondre à leurs appels d'offres par l'intermédiaire d'un agent affilié à ces entreprises. « Il existe plusieurs niveaux de référencement », précise Marie-Pierre Lallez, vigneronne à Saint-Caprais-de-Blaye (Gironde). Le plus important est la liste générale. On y trouve les grandes marques capables de fournir des volumes avec des budgets marketing conséquents pour soutenir leurs produits. En dessous de cette liste : les produits de spécialité. C'est là que l'on trouve la plupart des vignerons français. Un système plus souple existe. Celui de l'importation privée qui permet d'être vendu dans les restaurants. Les agents présentent aux restaurateurs, parfois avec des producteurs, les vins qu'ils ont en portefeuille. Les restaurateurs adressent aux monopoles d'État les quantités qu'ils souhaitent importer et ceux-ci passent la commande aux vignerons.

JEAN-FRÉDÉRIC BISTAGNE, VIGNERON SUR 16,5 HA À SAINT-LAURENT-DES-ARBRES, DANS LE GARD « Le Québec est devenu mon premier marché à l'export »

« J'exporte 30 % de ma production, soit 15 000 cols. Cette année, le Québec est devenu mon premier marché à l'export. Nous devrions y expédier plus de 4 000 cols. Nous avons démarré il y a un an et demi en importation privée. Un agent qui m'a découvert à Millésime Bio a présenté mes vins à des restaurateurs qui les ont retenus. J'exporte deux liracs, en rouge et en blanc, un côtes-du-rhône, un châteauneuf-du-pape et un vin de France 100 % cinsault vendu au pichet dans les bars. Côté prix, mes vins sont positionnés entre 26 et 30 dollars canadiens (17,30 - 20 ¤) sur les tables des restaurateurs. L'an passé, je me suis rendu sur place pour faire la tournée de ces clients avec mon agent. Ils apprécient de discuter avec les producteurs contrairement à certains de leurs confrères français. À l'issue de trois visites, nous avions déjà prévendu trois palettes ! Je suis actuellement en pourparlers avec un agent dans l'Ontario pour m'implanter dans cette province. »

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